19 mars, date honteuse
Aujourd’hui, 19 mars, c’est l’occasion de parler de la guerre d’Algérie. En effet, le 19 mars 1962 entrait en vigueur le cessez-le-feu décidé la veille à Évian, entre le représentant de la France et les émissaires du FLN (Front de Libération Nationale) algérien. Comme de juste, ce cessez-le-feu a dû être approuvé ensuite par référendum, qui eut lieu le 8 avril suivant, et fut marqué par une magouille bien dans le style gaullien, dont les gaullistes ont honte et dont ils ne parlent jamais. En effet, à cette occasion, les soldats français du contingent ont été autorisés à voter même s’ils n’avaient pas encore atteint l’âge légal de 21 ans... sauf s’ils étaient des Français d’Algérie, auquel le scrutin fut interdit ! Cette violation de la loi, anticonstitutioonnelle, minable et nullement nécessaire puisque le succès du référendum était certain, n’a pas fait beaucoup de vagues, et aucune grande voix n’a hurlé à la discrimination. Elle est pourtant historique et ne peut être contestée.
Cette date du 19 mars a été retenue, comme une date à fêter chaque année, par plusieurs associations d’anciens combattants, dont la Fédération Nationale des Anciens Combattants d’Algérie, et elle est marquée par diverses cérémonies, un peu partout en France, notamment à la Mairie de Paris. En revanche, le gouvernement français la rejette et a choisi une autre date, en décembre, d’ailleurs sans rapport aucun avec un quelconque fait lié à la guerre d’Algérie. En fait, c’est Sarkozy lui-même, le 16 avril 2007, qui, s’adressant aux Français d’Algérie rapatriés en métropole, avait déclaré : « Il n’est pas question que le 19 mars soit une date officielle de commémoration. Il est arrogant de condamner et de mépriser la douleur qui fut la vôtre et celle de vos familles lorsque vous fûtes chassés de vos terres, de vos maisons, et séparés de vos amis. Je le répète, c’est par respect pour vous que je n’accepterai pas que la date officielle de la commémoration des morts de la guerre d’Algérie soit celle du cessez-le-feu, qui de surcroît n’a pas été respecté ».
Je suis très loin d’être un partisan de Sarkozy, mais j’approuve cette déclaration. Les accords d’Évian ont été imposés à la France parce qu’après avoir gagné la guerre militairement, elle l’avait perdue sur le plan diplomatique, et aussi parce que l’Algérie lui coûtait trop cher, c’est De Gaulle en personne qui l’a dit – mais en privé. Et il est exact que ce cessez-le-feu n’a été respecté que par l’armée française, qui, dès ce jour, a reçu l’interdiction, de la part de son chef suprême, d’intervenir, fût-ce pour défendre les personnes agressées par le FLN. Du côté des harkis, c’est en dizaines de milliers qu’on a dû compter les sacrifiés à la politique du moment : ils furent atrocement massacrés sans que leurs anciens camarades aient le droit d'intervenir, et De Gaulle avait interdit leur rapatriement ! Mais il y a eu également des victimes du côté des Français « de souche », comme on disait bêtement. Les premières victimes furent tuées le jour même du cessez-le-feu, qui ne mérita donc pas son nom : un harki nommé Belala, les sous-lieutenant Riguet et Bendida, et trois « disparus », Ahmed Loucif, Abdelaziz Sadna et Saïd Si Mekdi ; une semaine plus tard, ce fut Abdallah Ladja. En août, après que l’indépendance de l’Algérie eût été proclamée début juillet, cela continua, et le lieutenant Pascal Gelas fut assassiné à Laghouat le 9 août.
Le massacre des harkis dura des mois, et, aujourd’hui encore, ceux qui ont survécu n’ont pas le droit de se rendre en Algérie. Ils sont considérés comme des traîtres, et il n’y a jamais eu d’amnistie ni de prescription.