Les pompes à Gicquel
La chose était parfaitement injuste, mais, parce qu’il avait toujours l’air un peu triste, et surtout parce que Coluche avait fait sur lui une méchante plaisanterie (« Quand un avion s’écrase quelque part, on dirait toujours que c’est sur les pompes à Gicquel »), le journaliste de télévision Roger Gicquel fut volontiers tourné en dérision, après son éviction de TF1. Or c’était un homme courageux.
Le 10 octobre 1979, « Le Canard enchaîné » révèle l’affaire des diamants de Giscard, et « Le Monde » surenchérit. Que vont faire les journaux télévisés du soir ? À TF1 autant qu’à Antenne 2, tout le monde est embarrassé : la télé, elle est aux mains des partisans du Pouvoir – du moins chez ses responsables. Il est donc urgent de ne pas parler des affaires qui fâchent le président. Mais Gicquel, qui présente le Journal de 20 heures, explique qu’il n’est pas question de ne pas évoquer le sujet dès le début du Journal. Sa hiérarchie traîne les pieds, mais Gicquel est populaire, on ne peut pas le censurer facilement, surtout devant tous les journalistes extérieurs, qui se sont empressés de venir assister à la conférence de rédaction pour voir comment la chaîne allait s’en tirer ! Bref, le PDG Jean-Louis Guillaud doit mettre les pouces, et Gicquel traite l’information à sa guise.
Mais, quelques mois plus tard, le calme revenu (au moins à la télévision), Gicquel fut poussé vers la porte de sortie « en raison de son âge », et remplacé par Dominique Baudis, qui n’a jamais été un opposant farouche.
Et sur Antenne 2 ? Claude Sérilllon, chargé de la revue de presse dans le Journal de 13 heures, avait refusé de céder aux pressions d’Elkabbach, directeur de l’Information. Il traita le sujet dans sa revue de presse... et en fut aussitôt déchargé par le grand chef !
Ces informations sont rapportées par Bruno Masure dans son dernier livre, Journalistes à la niche ?, que j’ai mis ici à contribution.