Alors, on ne torture plus ?
George Bush faisait torturer des suspects de terrorisme dans la prison « spéciale » (ô combien !) de Guantanamo. Déjà, ce n’était pas mal, pour le prétendu pays de la liberté – qui prétend aussi avoir inventé la démocratie, et défense aux Grecs de ricaner bêtement. Mais l’admirable était que ces pratiques démocratiques correspondaient à des instructions écrites par les responsables politiques. On ne leur avait pas dit que les paroles s’envolent mais que les écrits restent ?
Avantage : tous ceux qui ont exécuté ces ordres peuvent aujourd’hui ouvrir le parapluie en argüant qu’ils ne faisaient qu’obéir à leurs supérieurs. Bien vu ! Ils ont torturé mais ne seront ni condamnés ni même inquiétés. Mais, me direz-vous, on peut quand même poursuivre ceux qui les ont signés, ces ordres. Après tout, le chef est responsable de ce que font ses subordonnés. Eh bien non ! Saint Barack a décidé de faire ce que faisait naguère Mitterrand, jeter un voile pudique sur les fripouilleries ordonnées précédemment au nom de l’État, cela, afin de refermer un « sombre et douloureux chapitre de [notre] histoire ». Le coup de l’amnistie en vue de ne pas verser de vinaigre sur les plaies, ça a toujours son petit succès, surtout auprès de ceux qui n’ont pas la conscience nette.
Il n’empêche que ce coup d’éponge va être difficile à passer. D’abord, en dehors des États-Unis : on en a tant vu, de ces images répugnantes de geôliers sadiques tenant en laisse des prisonniers à poil, images qui ont tant fait pour la défense des fameux droits de l’Homme – surtout auprès de régimes comme ceux de la Chine, de l’Iran, de l’Arabie saoudite ou de l’Afghanistan, si empressés à les respecter. Ensuite, à l’intérieur des États-Unis : qu’est-ce qui peut empêcher, alors que le secret qui entourait les activités de la CIA vient d’être levé (Obama, qui ne craint pas la contradiction, a autorisé la publication des « mémos » de la CIA qui détaillait les méthodes d’interrogatoires de ses agents !), que des plaintes soient désormais déposées en justice ? On ne va pas tarder à s’amuser.