« Sœur » Sourire
Ici, on ne parle pas de cinéma, mais la sortie imminente du film belge Sœur Sourire incite à écrire quelques mots gentils sur l’Église catholique, dont la propension à faire main basse sur le pognon qui passe à sa portée rivalise d’ardeur avec sa manie de se mêler de ce qui ne la regarde pas.
Donc, Jeanine Deckers, douée pour le dessin et la guitare, et qui refusait le mariage (on pense qu’elle était homosexuelle, mais ce n’est pas prouvé), avait prononcé des vœux temporaires dans un couvent proche de Waterloo, en septembre 1959, se faisant désormais appeler « sœur » Luc-Gabriel (je tiens aux guillemets : cette autre manie de se parer de titres familiaux ou seigneuriaux, père, mère, sœur, monseigneur, a de quoi vous donner des boutons). Et comme ses talents musicaux étaient susceptibles de rapporter de la thune, ses supérieurs l’envoyèrent chez Philips, à Bruxelles, où elle enregistra son fameux tube Dominique. Pour la circonstance, on l’affubla du pseudo niaiseux, comme on dit en Belgique, de « sœur Sourire », mais on n’alla pas jusqu’à mettre sa photo sur la pochette du 45-tours.
Miracle (normal, dans un tel contexte), le disque fait un succès, surtout... aux États-Unis, où rien de ce qui touche à la religion ne laisse les gens indifférents. Recette calculée en monnaie d’aujourd’hui : quelques trois millions d’euros... qui aboutissent dans la caisse du couvent ! Eh oui, elle a fait vœu de pauvreté et abandonné tous ses droits à son couvent – où elle n’est même pas religieuse en titre.
Puis la pauvre fille perd la foi et quitte le couvent en 1967. Elle n’a plus le droit de se faire appeler « sœur Sourire », mais reprend la chanson sous un autre nom, Luc Dominique, de sorte que la voilà redevenue inconnue, ou quasiment. Elle a sans doute le tort d’insérer dans ses nouvelles œuvres des piques contre le machisme des prêtres catholiques et des encouragements en faveur de la pilule. Autre avanie, un imprésario la vole après une tournée au Québec. Enfin, en 1974, le fisc belge lui réclame des années d’arriérés d’impôts. Elle réclame son argent à son ancien couvent, qui, rancunier, l’envoie charitablement bouler. Elle n’a plus rien et s’est absurdement lancée dans un grand projet de maison pour enfants autistes, qui achève de la précipiter au fond du trou.
Le 29 mars 1985, en compagnie de son amie Annie Pécher, on la retrouve morte : elles se sont empoisonnées avec des médicaments.
Un autre jour peut-être, je vous raconterai comment le Vatican a fabriqué un faux testament, connu des historiens sous le nom de Donation de Constantin, par lequel l’empereur romain léguait son empire... au pape ! C’était d’une autre envergure, mais tout est grand aux Grands.