« Vive la bombe ! »

Publié le par Yves-André Samère

Vive la Bombe ! est un téléfilm de Jean-Pierre Sinapi, excellent réalisateur de cinéma auquel on devait notamment Nationale 7, sorti en 2000. Il s’agit cette fois d’une histoire (fictive) sur les essais nucléaires que la France a faits au Sahara, juste après l’indépendance de l’Algérie : les Accords d’Évian avait prescrit un délai pendant lequel l’armée française demeurait sur les lieux et procédait à des tests d’explosion souterrains de la fameuse « bombinette » chère à De Gaulle.

Le récit montre quatre soldats et leur lieutenant qui ont été envoyés très près du lieu de l’explosion afin de vérifier que les populations locales étaient bien à l’abri. Le lieutenant, Philippe, un ancien enfant de troupe, très « service-service » malgré son jeune âge, est joué par Cyril Descours, beau garçon sympathique (dommage que son prénom soit si ridicule ! « Cyril », ça n’existe pas, et seuls des parents ignares donnent ce prénom à un garçon parce qu’ils croient que la véritable orthographe, « Cyrille », marque le genre féminin). Lui croit au bien-fondé de la politique française et ne remet rien en cause, au contraire de ses quatre hommes, dont un, Jojo, très « popu », joué par Damien Jouillerot, ose même lire un journal interdit – cela existait, les journaux interdits, dans la démocratie gaulliste.

Bref, et alors que toutes les mesures de sécurité avaient été prévues comme d’habitude, l’explosion souterraine et « parfaitement contenue » fait craquer la montagne sous laquelle elle est située, les déchets radio-actifs se répandant alors aux alentours. Aussitôt, pour protéger la base militaire et parce qu’ils gênent la fermeture des fenêtres, on coupe tous les câbles qui permettaient les communications, et le petit groupe ne peut plus recevoir les ordres de la base. Or le lieutenant ne veut pas se replier s’il n’a pas d’ordre. Les cinq hommes sont copieusement arrosés par les poussières contaminées.

Ils se décident enfin, et sans ordre, à regagner la base où tout le monde les a oubliés – sauf Louise, la mère du lieutenant (Nadine Marcovici), qui a accompagné comme secrétaire postiche son amant, Antoine (Bernard Le Coq), sous-directeur au ministère des Armées, venu en inspection, et par ailleurs parrain de son fils : il l’a pistonné à son insu pour l’envoyer dans cet endroit qu’on croyait sûr ! Les cinq hommes sont aussitôt isolés et envoyés en décontamination, d’abord sur place, puis dans un hôpital à Garches, près de Paris. Les yeux du jeune lieutenant se sont enfin ouverts, et il a compris que l’armée se souciait peu de ses hommes face à la raison d’État ; il se met à lire le même journal interdit que lisait Jojo ! Puis, les croyant guéris, on les laisse sortir de l’hôpital. Lui, qui a compris qu’on le remettra au secret si la chose se sait, a caché que sa guérison est fallacieuse, et que son corps commence à pourrir, gagné par les effets de la contamination.

Le processus détaillant le bourrage de crâne militaire est aussi minutieux que celui montrant le cheminement psychologique de ces cinq hommes, les affres de la mère et le comportement embarrassé du responsable politique. Comme toujours avec les films de Sinapi, tout est fait avec une grande intelligence, qui fait de ce téléfilm de 2006 un quasi-chef-d’œuvre, à ne pas rater en cas de rediffusion.

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