Un faux ami au « Figaro »
Et si on s’amusait un peu aux dépens d’un journal, ardent défenseur de la langue française, et qui est pris en défaut sur son propre terrain ?
Ce journal, c’est « Le Figaro » (impossible de viser « Libération », on ne tire pas sur une ambulance). Il y a une dizaine de jours, à propos du Festival de Cannes et de sa présidente, la journaliste Marie-Noëlle Tranchant se demandait, grave question, si Quentin Tarantino pourrait recevoir le vote d’Isabelle Huppert pour le film qu’il présente en compétition. En effet, au début, la chère Isabelle avait été pressentie pour jouer dans le film en question. L’affaire était tombée à l’eau, parce qu’au premier rendez-vous avec le réalisateur, la vedette avait oublié de venir ; qu’au deuxième, elle s’était pointée en retard ; et qu’ensuite, elle avait chipoté à propos du scénario et de son rôle. Si bien que Tarantino avait laissé tomber et engagé quelqu’un d’autre.
Ce terrible cas de conscience qui se pose à madame Huppert est résumé par la journaliste via cette expression qui conclut son article : « Délicate balance ». Hélas, en français, cette expression ne veut rien dire ! Trop cultivée sans doute, la journaliste a repris le titre d’une pièce d’Edward Albee, jouée en 1966, et dont Tony Richardson a fait un film en 1973. Mais il s’agissait d’un titre en anglais, Delicate balance, sans accent sur la première voyelle ! Or il faut se méfier des apparentes similitudes entre mots anglais et mots français – les fameux faux amis. Et, dans le cas présent, balance en anglais ne désigne pas une balance au sens français et doit être traduit par équilibre, pour ceux qui ont vu ou lu la pièce. En fin de compte, il s’agit d’un « équilibre instable ». Ce qui n’a plus aucun rapport avec la situation initiale d’Isabelle Huppert supposée hésiter dans son vote.