« La dame de chez Maxim » sur Arte
Hier soir, Arte a diffusé en direct la pièce de Feydeau La dame de chez Maxim. C’est sans doute celle où il a le plus donné libre cours à son imagination, mais on doit convenir qu’il y en a beaucoup trop : plus de trois heures ! Or, pour une comédie, quand cela se prolonge, c’est toujours un peu lassant.
C’est surtout lassant lorsque le metteur en scène a prescrit aux acteurs de laisser un quart d’heure entre les répliques, quand elles devraient fuser à toute vitesse ! C’était le cas durant le premier acte, au point que j’ai failli éteindre mon téléviseur. Mais tout le reste était aussi critiquable. Le comble est que, durant une interview avant la pièce, ledit metteur en scène, Jean-François Sivadier, a beaucoup parlé des fameuses didascalies, les indications ultra-précises de mise en scène que Georges Feydeau détaillait dans ses textes. Or ce Sivadier n’en a respecté aucune !
Ainsi, les chansons ont été remplacées par d’autres. Par exemple, celle du deuxième acte par laquelle la Môme Crevette scandalise toute la bonne société provinciale est passée à la trappe, et, à sa place, le public a eu droit à un catalogue des mille et une manières grivoises de désigner l’acte sexuel, énumération directement issue d’un livre paru il y a trois ou quatre ans. Sans aucune raison non plus, les ajouts saugrenus : le deuxième acte commençant par un trio féminin qui massacre la Barcarolle des Contes d’Hoffmann, d’Offenbach ; ou le jeune duc faisant un interminable numéro de claquettes qui empiète sur les scènes qui suivent, sans aucune nécessité.
En revanche, l’Odéon où passait ce spectacle doit être fauché : il n’y avait aucun décor, seulement quelques panneaux de bois suspendus aux cintres par des cordes, et quelques rideaux ; et le célèbre Fauteuil Extatique était remplacé par une chaise de cuisine toute banale, ce qui enlevait toute magie au comique des deux scènes où il est utilisé.
Les costumes, sans aucun rapport avec quelque style existant ou ayant existé, et encore moins avec l’époque de l’action, participaient de ce désastre. Imaginez, par exemple, le docteur Petypon, chirurgien, mais incarné par un acteur au physique de garçon de café, ne portant que des chemises en soie mauve d’un bout à l’autre de la pièce ; ou la prude madame Petypon en corsage décolleté jusqu’à la limite autorisée dans les camps de nudistes.
Le bouquet était dans le personnage de la Môme Crevette. Le rôle était tenu par une actrice dont le visage rappelait celui de Sim à l’âge de cinquante ans, et son fameux jeu de scène sur la réplique « Et allez donc, c’est pas mon père ! », qui consiste à lever la jambe pour la passer par dessus le dossier d’une chaise ou d’un fauteuil, et inspiré du french-cancan, avait été remplacé par une pantomime du dernier grotesque, avec frétillement des hanches et massage frénétique des seins, beaucoup plus vulgaire et sans rapport avec quoi que ce soit.
Le public avait l’air très content. Il était bien le seul. Il n’avait pas dû voir les mises en scène de la Comédie-Française ou de l’Opéra-Comique.