Honorabilité de nos présidents (et ex-)
Parce que Giscard, ancien président de la République, publie un roman dans lequel il tente de faire croire qu’il a été l’amant de la défunte ex-princesse de Galles, tout le pays fait des gorges chaudes. Mais surtout, il se trouve quelques niais pour dire que ce n’est pas digne d’un ancien chef d’État.
Certes, certes... Il est vrai que, sans remonter à Félix Faure et à Paul Deschanel, tous les présidents de la Cinquième République ont été des modèles d’honorabilité.
Celui qui ouvre la série, après s’être fait élire par le biais d’un coup d’État, en promettant de conserver l’Algérie « dans » la France (sic) et avoir confirmé cette intention dans un discours (« Vive l’Algérie française », le 6 juin 1958 à Mostaganem), fait exactement le contraire, puis interdit à son armée de rapatrier les soldats arabes (les harkis) auxquels elle avait promis sa protection en échange de leur engagement en son sein. Il n’en est résulté que quelques dizaines de milliers de morts, dans des conditions atroces. Auparavant, il avait dissous un tribunal qui avait eu l’impudence de ne pas condamner à mort son principal adversaire politique, le général Salan, et il refusa sa grâce à l’auteur d’un complot qui n’avait coûté la vie à personne, Bastien-Thiry – lequel fut donc fusillé, puisqu’il était militaire.
Son successeur, homme médiocre, manifesta plusieurs fois son antipathie envers la Résistance, entama le saccage architectural de la capitale, favorisa la spéculation immobilière, et, follement passionné de bagnoles rapides (« Paris doit s’adapter à la voiture »), s’opposa toute sa vie à la moindre mesure en faveur de la limitation de vitesse sur les routes. Il en résulta que les hécatombes continuèrent, et ne ralentirent que trois septennats plus tard.
Le suivant, à la vie privée agitée (c’est l’amateur de princesse cité plus haut), ayant promis de ne jamais poursuivre personne en justice, au contraire de ses deux prédécesseurs, fit embastiller sans jugement et pendant sept mois un écrivain-journaliste qui avait osé le ridiculiser dans un livre. Lui-même se fit offrir des cadeaux d’un potentat africain, des diamants, dont il ne se défit jamais, en dépit de ses affirmations répétées.
Celui qui le remplaça avait un lourd passé. Il avait tenté d’envoyer en cour d’assises son complice dans la préparation d’un faux attentat contre lui-même, à une époque où ce type de crime était passible de la peine de mort. Exclu du Sénat pour ce mensonge, il bénéficia du manque de mémoire des Français, qui l’élirent à la présidence un quart de siècle plus tard. Là, il utilisa les services de l’État pour la protection de sa fille adultérine, fit obstacle à la Justice afin d’éviter des ennuis à un ancien haut fonctionnaire de la Collaboration qui avait fait livrer aux nazis 4155 enfants juifs, dont pas un ne réchappa aux camps de la mort, et se délecta de centaines d’écoutes téléphoniques illégales, pour lesquelles il ne fut jamais inquiété, mais dont la révélation entraîna le suicide d’un simple exécutant de ces actes illégaux, un capitaine de gendarmerie, qui s’estima déshonoré pour avoir obéi.
Après lui vint un « tueur », comme disent ses amis eux-mêmes, qui pilla les caisses de la mairie de Paris avant de piller celles de l’État, s’offrit des voyages un peu partout dans le monde grâce à l’argent que de son propre aveu il puisa dans les fonds secrets du gouvernement, et ne paya jamais rien de sa poche. Corrompu jusqu’à faire passer les dictateurs africains pour des paragons de vertu, il vit aujourd’hui encore dans un immense appartement que lui prête le fils d’un ancien président libanais, on ne sait en échange de quels services rendus. C’est à son bénéfice, et pour lui éviter toute sanction, que la Constitution a été modifiée, afin que le président de la République ne puisse être poursuivi durant son mandat, sous quelque prétexte que ce soit.
Le dernier en date de cette galerie d’honnêtes gens est un malade mental, totalement inculte, qui veut tout faire sans en avoir la moindre capacité intellectuelle, et a mis cyniquement le pays à son service et à celui de ses amis – tous riches. Aussi méprisant que dépourvu de courage, il ne sort jamais sans être protégé par de centaines de policiers, et se garde bien que risquer un pied dans les quartiers populaires, où il se sait haï. Il a d’ailleurs supprimé la police de proximité, qui faisait un excellent travail de prévention.