À l’école, plus de notes ?
On nous dit que le mannequin de vitrine qui fait actuellement office de ministre de l’Éducation nationale a l’intention de supprimer les notes à l’école, et de remplacer tout ça par... des couleurs – quoique j’ai du mal à croire ce détail. Mais rien d’étonnant, c’est une grande tradition française. Quand tu deviens ministre de l’Éducation nationale en France, tout se passe en trois actes : acte I, tu casses tout ce qu’ont fait tes prédécesseurs ; acte II, les syndicats hurlent ; acte III, le président te remonte les bretelles (si tu es un homme), et tu ranges ton projet dans un tiroir.
Ledit projet, la suppression des notes, répondrait, selon les éléments de langage qui circulent en ce moment, à la préoccupation d’abolir toute compétition entre les élèves, vu que ça traumatise. Bien. Mais, de mon côté, je souhaiterais vivement que quelqu’un réfléchisse trois minutes, ou fasse appel à un type un peu doué en mathématiques, qui sache faire la distinction entre classer et ranger. Vous ne suivez pas ? Alors j’explique.
Suppose que tu sois professeur de quelque chose, et peu importe de quoi. Quand tu corriges un devoir de tes élèves, tu mets des notes, et il y a ceux qui écopent d’un zéro ou de tout autre note peu brillante ; il y a ceux qui ont la moyenne, autour de 10 ; et ceux qui ont 15, ou 17, voire 20 sur 20. Cela établit dans la classe autant de catégories d’élèves qu’il y a de notes différentes, ce qu’on appelle des classes (rien à voir avec la salle de classe ; une classe, dans ce cas, c’est le sous-ensemble des élèves qui ont la même note). Or le fait de classer les élèves n’implique pas du tout, en dépit du vocabulaire, que tu leur donnes un classement : premier, deuxième, troisième, etc. Ça, ce n’est pas classer, ça s’appelle ranger, et ce verbe vient de rang.
Eh bien, je ne vois pas du tout ce qui t’oblige, lorsque tu rends leurs devoirs à tes élèves, à clamer quelle note chacun a obtenu ; encore moins, à te payer la tête de ceux qui en ont décroché une mauvaise. Par conséquent, le classement existe dans ta tête, mais tu ne le divulgues pas ! Aucune raison de traumatiser qui que ce soit.
Tous les professeurs reconnaissent cette évidence, et beaucoup pratiquent ce système afin de ne vexer personne. Mais le ministre chargé de gérer leur carrière ne sait rien de tout cela.