Acrobaties linguistiques

Publié le par Yves-André Samère

Nos ordinateurs, conçus pour les Occidentaux, se débrouillent très bien avec les claviers et les alphabets latins ou cyrilliques, parce que les langues concernées s’écrivent toutes de gauche à droite. Mais ils sont incommodes avec l’hébreu et l’arabe, qui s’écrivent dans l’autre sens. Par conséquent, c’est la croix et la bannière pour écrire correctement le moindre mot dans ces deux langues ! Vous êtes obligé de saisir un à un, dans la table de caractères de votre bécane, les caractères désirés, et de les copier-coller en sens inverse. Prenons deux exemples.

En hébreu, le mot divorce se dit gett (c’est le titre original d’un très bon film franco-israélien de Ronit et Shlomi Elkabetz, Le procès de Viviane Amsalem, que je vous engage à voir quand il passera sur Arte), et il s’écrit avec seulement deux lettres, des consonnes : le G, appelé Gimel, qui est noté ג, et le T, appelé Teth, qui est noté ט – les voyelles passent à la trappe. Donc, le mot entier doit s’écrire גט. Je suis parvenu à l’écrire correctement, parce que je l’ai transcrit caractère par caractère. Mais si je tente de l’écrire en une seule fois, le système d’exploitation de mon ordinateur s’y refuse et il colle tout exactement dans l’ordre inverse !

De même, en arabe, le mot oui se dit naram, et s’écrit, sans les voyelles, NRM, respectivement avec les caractères ن pour N, ع pour R, et م pour M. Si je tente de coller le mot entier en une seule fois, j’obtiendrai ﻢﻌﻧ , qui est transcrit à l’occidentale, donc à l’envers. Pour avoir le mot correct, je dois faire la même gymnastique que précédemment, copier les caractères un à un, et les coller ici dans le « bon » ordre, نعم, avec cet inconvénient supplémentaire d’avoir dû choisir entre quatre formes différentes de la même lettre, selon qu’elle se place au début du mot, dans le mot, à la fin du mot ou isolée.

(Je me suis un peu dégonflé, j’ai choisi des mots très courts, mais on voit ainsi que pour transcrire la Torah ou le Coran dans les langues d’origine sur un ordinateur occidental, on y passerait l’éternité. Tiens, c’est une idée : comme dans le cas de ce condamné à mort auquel on demandait de choisir le moment de sa mort et qui avait émis le vœu d’apprendre d’abord le chinois, je pourrais demander à Dieu de ne pas me faire mourir avant d’avoir terminé ce petit travail. Il acceptera sûrement, puisque je travaillerai Ad Dei majorem gloriam)

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