Aphatie : contes et comptes
Jean-Michel Aphatie a du bagout – les mauvaises langues diraient plutôt « du baratin » ou « de la tchatche », mais ici on ne donne pas la parole aux mauvaises langues –, et ses analyses politiques sont toujours pertinentes, même si elles chatouillent désagréablement la gauche. Par conséquent, pour être un excellent journaliste, il ne lui manque plus qu’une chose : apprendre à compter !
Hier, au Grand Journal de Canal Plus, il dissertait sur ce fait sans précédent : que la France, ayant besoin d’emprunter 7 milliards d’euros, a trouvé en face d’elle des prêteurs qui cherchaient à prêter... 20 milliards. Si bien que, mis en concurrence, tous ces braves gens ont consenti à diminuer le taux d’intérêt qu’ils en demandaient, au point d’accepter un taux... négatif : -0,005 % pour un emprunt sur trois mois, et -0,006 % pour un emprunt à six mois. Pittoresque variante de la blague de Coluche « Moins tu peux payer, plus tu payes », qui devient ainsi « Plus tu empruntes, moins tu rembourses ».
Je suis d’accord avec Aphatie quand il en conclut que ce n’est pas un bon signe, puisque cela s’explique par le fait que les gros prêteurs préfèrent perdre un peu d’argent plutôt que d’en avancer aux pays jugés incapables de rembourser, perspective sinistre pour la Grèce, l’Espagne ou l’Italie – même si nous semblons, au passage, davantage dignes de confiance. Hélas pour lui, Aphatie a voulu faire le malin, comme souvent, et il a illustré son discours en concluant que, si nous empruntons 1000 euros, nous ne devrons rembourser que 995 euros.
Mille regrets, cher grand journaliste, mais un taux négatif de -0,005 %, cela signifie une réduction du centième de 0,005, soit un centième de 5/1000 du capital emprunté. Et donc, sur une somme de 1000 euros, la réduction n’est que de cinq centièmes du millième de cette somme, soit cinq centimes. Par conséquent, il faudra rembourser, non pas 995 euros, mais 999,95 euros.
Pas de quoi dégonfler notre dette nationale !
(Inutile de préciser que personne n’a rectifié l’erreur d’Aphatie, pas plus les co-animateurs de l’émission que les trois chefs syndicalistes qui participaient ce soir-là au Grand Journal. Dire que ces gens-là ont pour métier de réclamer des augmentations de salaire !)