« Black mirror »
J’apprécie beaucoup les séries télévisées britanniques, lesquelles n’ont guère de mal à écraser les séries françaises, car elles, au moins, font preuve d’audace et d’imagination. Si vous ne me croyez pas sur parole, laissez-moi vous dire un mot de celle que j’ai découverte hier, et qui m’a été conseillée par un ami que je ne nommerai pas (c’est l’énigme du jour).
Elle s’intitule Black mirror, et elle n’a comporté que deux saisons de trois épisodes chacune, en 2011 et 2013, tous interprétés par des comédiens solides mais pas forcément connus – quoique j’en ai reconnu un ou deux. Je vous résume le premier épisode, qui a pour titre The national anthelm, ce qui signifie « L’hymne national ».
En pleine nuit, on réveille le Premier ministre pour l’informer que la princesse Suzannah vient d’être enlevée, et que, dans une vidéo diffusée sur YouTube, donc impossible à censurer, elle dit en pleurant qu’elle sera tuée par son ravisseur si le Premier ministre ne paraît pas l’après-midi même à la télévision pour y avoir, en direct et sans aucun trucage, un rapport sexuel avec... un cochon.
(Là, je vous rassure tout de suite, il s’agit d’un cochon femelle. Je ne voudrais surtout pas vous choquer en laissant entendre que quiconque, au Royaume-Uni, puisse imaginer le Premier ministre ayant un rapport sexuel homosexuel. Zoophile, passe encore...)
Aucun recours, l’homme politique de premier plan est forcé de s’exécuter, d’autant plus que ses services reçoivent alors par courrier express un doigt amputé, qu’on suppose prélevé sur la douce main de la princesse : c’est la sanction que le mystérieux ravisseur applique, parce que les services secrets avaient envisagé de faire doubler the Prime minister par un acteur porno, via un trucage numérique réalisé avec le truc classique de l’écran vert.
Finalement, le public se passionne – en rigolant – pour la prestation officielle d’un genre nouveau, le Premier ministre devient plus populaire que jamais (quoique une courte scène laisse entendre que, du côté de sa femme, il y a de l’eau dans le gaz), et la princesse enlevée est retrouvée, droguée, errant sur un pont de Londres, et pas du tout amputée d’un doigt : le ravisseur, un ancien comédien, s’était amputé lui-même avant de se suicider.
On imagine bien que cette histoire extravagante ne doit pas être prise au premier degré, et qu’il s’agissait de montrer la soumission aux médias du personnel politique et des citoyens en général. Le tout, très court (le film ne dure que trois quarts d’heure) et pas du tout « enrichi » d’images racoleuses, laisse une curieuse impression, et n’aura jamais aucun équivalent en France.
Seule critique, d’ordre matériel : comment les services du Premier ministre ont-ils pu confondre le doigt amputé d’un homme quadragénaire avec celui d’une jeune princesse ? Mais je pinaille, comme d’habitude !