« Bosser » ?
Voulez-vous que je vous dise ? Je déteste le verbe bosser.
N’en concluez pas que je déteste l’argot, ou que je méprise ce langage, ce n’est pas ça du tout. L’argot, le vrai, celui des truands historiques, je le connais. Je serais sans doute capable de m’en servir si j’en avais l’occasion, mais, dans le milieu où j’évolue, justement, je n’en ai pas l’occasion. En fait, ce que je déteste, ce n’est pas le mot, c’est l’emploi incessant que l’on en fait, au détriment du langage normal, que les crétins qui nous environnent (« Les cons nous cernent », si vous voulez de l’argot) qualifieraient sans doute d’académique. Et ceux qui s’en servent sans arrêt, seulement pas conscients que, de plus en plus, la vulgarité roule en tandem avec l’insignifiance ; ceux-là qui, par pure ignorance, croient que la langue placée dans la bouche de ses personnages par Michel Audiard EST de l’argot – rien n’est plus faux –, que donc c’est plus spirituel ; ceux-là ne savent pas que ce verbe bosser, en fait, ne s’applique qu’à un travail pénible, qui n’est certainement pas le leur. Ne me dites pas qu’un journaliste, un haut fonctionnaire, un député, un ministre, un président de la République « bossent » : un travail de bureau, ça n’a rien à voir avec les mines de sel. Peut-être même pas à un vrai travail !
Et pourtant, apparemment, si l’on en croit les conversations quotidiennes et les dialogues de films et de télévision, la totalité de la société française BOSSE. Ah, les damnés de la Terre...