Censure molle, mais très conseillée
Ayant lu entièrement hier le livre de Valérie Trierweiler, je n’ai pas été trop surpris de ne recevoir, de la part de presque toutes les personnes auxquelles je l’avais envoyé, que des réactions TRÈS négatives, du style rappelant celui de ces libraires dont j’ai déjà vanté l’esprit ouvert et qui, bombant fièrement le torse, ont proclamé que jamais ils ne vendraient cette « poubelle ». Comme quoi, l’esprit scientifique se répand de plus en plus, à la grande satisfaction du rationaliste que je suis...
Ce genre de réaction m’a rappelé deux détails.
D’une part, une très ancienne couverture de « Charlie-Hebdo », à moins que ce soit « Hara-Kiri », où l’on voyait un beauf proclamer « J’lai pas vu, j’lai pas lu, mais j’en ai entendu parler » (sous-entendu : « Donc je peux donner mon avis »). Moi qui vérifie absolument tout avant d’écrire ou de dire le moindre mot sur quoi que ce soit, j’admire beaucoup cette sûreté de soi qui fonde les convictions. La plupart des convictions. Les chercheurs qui tentent de trouver un remède au virus Ebola ravageant en ce moment l’Afrique devraient s’en inspirer, ils aboutiraient plus vite, ces niais, au lieu de tout vérifier...
Autre rappel d’un exemple du style « Pas besoin de le lire pour le condamner », il y avait eu ce chef-d’œuvre de la littérature que fut le prodigieux roman picaresque de Salman Rushdie, Les versets sataniques, publié en 1988, et qui existe en format de poche, si ça vous dit. À l’époque, la plupart des libraires évitaient de l’exposer, mais cette fois par crainte des attentats – je crois qu’en France, il n’y en eut aucun. C’est que, dans le genre pas intolérant pour un maravédis, Sa Sainteté le cher ayatollah Hadj Sayed Rouhollah Moussavi Khomeiny (c’était son nom), parangon de toutes les vertus, avait condamné à mort l’écrivain pour ce livre qu’il n’avait pas lu, mais dont il s’était seulement fait traduire quelques pages. Après avoir, toutefois, appris qu’en Inde, Rajiv Gandhi, successeur de sa mère au poste de Premier ministre, l’avait interdit sans davantage le lire. Et n’oublions pas l’Europe, où quelques têtes pensantes, à l’époque, avaient AUSSI déclaré que le livre de Rushdie était « impie », qu’elles condamnaient fermement ce « soi-disant écrivain » (sic), et qu’elles n’avaient pas l’intention de le lire, ce qui est une façon inédite de s’informer, surtout lorsqu’on prétend donner publiquement son avis. Parmi ces défenseurs de la tolérance et de la littérature, Margaret Thatcher, et un certain Jacques Chirac, dont le nom vous dit peut-être quelque chose. Ce livre, je l’ai lu, vous vous en doutez, et il ne contient RIEN qui puisse froisser un musulman (soit dit en passant, les musulmans, je les connais mieux que les connaissaient Thatcher et Chirac, vu qu’ils n’ont pas dû en rencontrer beaucoup quand ils allaient à l’école). Mais la rumeur, la rumeur... (voir Le barbier de Séville)
Bref, aujourd’hui, des noms différents, mais les mêmes réactions.
(NB : je ne suis pas en train d’écrire que la plupart de mes amis sont des imbéciles et des gens bornés. Mais enfin, je les rassure : avant qu’ils parviennent à m’influencer pour je me décide enfin à penser sur des rails, on fera la récolte des bananes en Terre-Adélie. Et sur le livre lui-même, je dirai ultérieurement ce que j’en pense, et qui sera peut-être un peu différent. En attendant, regardez ceci, pour vous décrasser l’esprit d’autres mensonges stupides car évidents)