Chez moi, c’est zéro !
Rien de plus ridicule ni de plus irritant que cette manie qu’on a, dans les milieux artistiques, de s’embrasser sans cesse : soit en direct, quand un confrère est présent, soit à distance, quand on est à la radio ou à la télévision et qu’on parle d’un absent, « qu’on embrasse », évidemment, et ça ne rate jamais.
C’est d’autant plus grotesque qu’il n’existe AUCUNE profession où l’on se déteste autant. Parce qu’on se jalouse, et que, pour tel artiste ou assimilé, tout autre artiste est un concurrent. Si j’avais eu la velléité de faire du théâtre ou du cinéma, rien que cela m’en aurait dissuadé.
Mais là où plus rien ne va, c’est que cette manie gagne tous les milieux. Imaginez la scène : vous êtes attablé à une terrasse de café avec un couple de vieux amis. Une fille arrive, qui est de leurs relations, mais que vous ne connaissez pas. Vos deux amis se lèvent et l’embrassent. La fille se tourne vers vous et attend alors que vous fassiez de même. Mais au nom de quoi devrais-je embrasser une personne que je ne connais ni des lèvres ni des dents, dont j’ignore le nom puisqu’on n’a pas pris la peine de me le dire (ces choses-là sont sous-entendues, on DOIT deviner à qui on a affaire), et dont je suis à peu près certain que, de toute mon existence, je ne la reverrai plus jamais ?
Vous connaissez le truc de ces gens qui viennent de régions différentes et qui se lancent dans des séries de pourléchages aussi embarrassées qu’interminables : « C’est moi, c’est trois. – Et chez moi, c’est quatre. – Ah ? Chez moi, c’est deux ».
Bande de ploucs lécheurs de poires, chez moi, c’est zéro !