Chi va piano...
On sait que certains joueurs compulsifs, las de perdre leur temps et leur argent dans leur passion, se font interdire de casino. Eh bien, je me demande si je ne devrais pas me faire interdire de librairie. Je suis en effet incapable d’entrer dans une librairie sans y acheter quelque chose. Le problème, ensuite, c’est que le temps me manque pour lire ce que j’ai acheté. Me manque aussi la place pour stocker mes livres. Si bien que je vais désormais me contenter de livres électroniques. Autre avantage, ils ne me coûtent rien !
Mon dernier achat a suivi la lecture du « Canard enchaîné » de cette semaine, car on y trouvait un compte-rendu du Dictionnaire amoureux du piano, gros livre d’Olivier Bellamy (vous croyez que c’est un lecteur de Maupassant ?), or je ne peux pas résister à tout ce qui touche au piano. Et dans ce livre composé d’articles plus ou moins longs, l’auteur cite le propos d’un professeur de piano très connu, qui, lorsqu’on lui amenait un candidat à ses cours, lui posait une seule question : « Est-ce que vous désirez vraiment apprendre le piano, ou est-ce un désir de vos parents ? ». Et il ne gardait que les enfants poussés, non pas par leur propre désir, mais par leurs parents !
Paradoxal ? Pas tellement. Son raisonnement était le suivant : les vocations enfantines durent moins que ce que durent les roses, et ces sales gosses ont vite fait de changer de lubie. Alors que les mères (ou les pères, mais aujourd’hui, grâce à madame Taubira, c’est la même chose) tiennent bon et ne changent pas d’avis toutes les cinq minutes – moins souvent qu’elles changent de robe ou de coiffure, en tous cas. Judicieux.
En ce qui me concerne, j’ai commencé l’étude du piano à... dix-huit ans et demi, sans être poussé par quiconque puisque je n’étais encombré d’aucune famille, et en travaillant seul, avec des opuscules du genre Méthode rose, qui, c’est connu, ne donnent rien de bon. Au bout de trois mois, fatigué de faire du sur-place et sur le conseil d’un camarade, je suis allé trouver le professeur le plus cher de la ville, qui m’a mis immédiatement à l’étude de la première Polonaise de Chopin, alors que jusque là j’aurais été incapable de jouer au piano un slam de Grand Corps malade. Et ça a très bien fonctionné.
Six mois plus tard, je jouais en public le Clair de Lune de Debussy. Et depuis... je déteste Debussy !