Contre Nina Simone
Tout le monde semble pétrifié d’admiration à l’égard de Nina Simone, chanteuse de jazz morte en 2003 (à Carry-le-Rouet, le patelin où vivait Fernandel quand il ne résidait pas au 44 avenue Foch, à Paris). Eh bien, mille regrets, mais je l’avais en horreur et je la méprisais. Et tant pis si elle a été une militante des droits civiques pour les Noirs. À ce mépris et cette détestation, j’avais deux motifs (j’ai toujours DEUX motifs pour tout, même si les mauvaises langues prétendent faussement que je devrais porter une ceinture ET des bretelles).
Premier motif, elle massacrait la chanson de Brel Ne me quitte pas, en dépit du fait que ses admirateurs estiment son interprétation admirable. Quand on écoute ce pensum, il est absolument évident qu’ayant appris phonétiquement les paroles en français, elle ne comprenait pas un traître mot de ce qu’elle disait. Que ne s’est-elle pas plutôt rabattue sur Tata Yoyo ou Ma p’tite folie ! Par chance, ce n’est pas à elle qu’on avait confié le soin de chanter La Marseillaise sur la Place de la Concorde, pour le bicentenaire de la Révolution française, le 14 juillet 1989 (on avait engagé Jessye Norman, qui est une vraie chanteuse).
Second motif (second, parce que, en dépit de mes efforts, je n’ai pas pu en trouver un troisième), il y a eu ceci, qui illustre très bien ma future encyclopédie en quarante volumes intitulée Deux poids-deux mesures : en août 1995, alors que la chanteuse vivait déjà dans le Midi de la France, où elle habitait une villa pour gens friqués, elle a flingué de sa main un garçon de quinze ans, avec un pistolet à grenaille, sous le prétexte que le petit salaud, qui se baignait dans la piscine du voisin avec un copain, la dérangeait dans sa sieste. Si la militante des droits civiques – mais aux États-Unis, où elle ne vivait pas –, au lieu de crécher dans une résidence de luxe, avait logé dans une HLM de banlieue et n’avait pas fait partie du show-biz, elle aurait aussitôt connu la paille humide des cachots, tout comme le premier retraité insomniaque venu, coupable du même délit. Pas elle, qui ne risquait, nous a-t-on révélé, qu’une simple condamnation à une amende pour détention d’arme. On dit qu’un juge l’a effectivement condamnée, mais ce magistrat malotru avait manifestement perdu toute conscience du respect qu’on doit aux personnalités. Que c’est bête, ces histoires de droit et d’égalité de tous devant la loi.