De la pizza
L’une des plus angoissantes questions qui se posent aujourd’hui à l’Humanité, question que je n’hésite pas à évoquer ici car je n’ai aucun tabou mais un grand sens de l’altruisme, est celle-ci : pourquoi est-il quasiment impossible de trouver dans le commerce ou de se faire livrer une pizza qui ne soit pas au fromage ? C’est d’autant plus grave que, comme l’a rappelé feu Claude Chabrol, nous vivons en un temps où les pizzas arrivent plus vite que la police (et les pompiers, ajouterai-je judicieusement).
La réponse semble évidente mais ne fait que reculer l’échéance : c’est parce que les clients RÉCLAMENT cette horreur. Mais pourquoi en réclament-ils ? Parce qu’un crétin hérétique, un jour maudit, s’est dit : « Tiens ! Et si je mettais un peu de fromage sur ma pizza ? ». Et l’infame a mis son projet à exécution. Pis ! Il a proposé un morceau de sa pizza à d’autres manants dénués de goût, qui, de fil en aiguille, ont lancé cette mode déplorable, laquelle a fait tache d’huile, c’est le cas de le dire. Je n’hésite pas à dire que la pizza au fromage, c’est la même insulte aux Italiens que le couscous aux merguez l’est aux Arabes – oublions que les Arabes arrosent leur couscous en buvant du Fanta.
(Parenthèse : c’est un peu le même processus qui a fait qu’on ne peut pas trouver de boudin noir sans oignons. C’est presque pire)
Pour en revenir à la pizza, la dégradation de nos mœurs est allée si loin qu’on trouve même des « pizzas quatre fromages ». Quatre fromages, on croit rêver ! J’aime beaucoup le fromage. Tous les fromages. Même la Vache qui rit, laquelle n’est pas un fromage. Mais il ne me viendrait jamais à l’idée de pratiquer des mélanges de fromages. C’est comme les vins. Ou encore le raisin et la figue de Barbarie : ne jamais les faire cohabiter au sein du même estomac, ou ce sont les intestins qui se mettent en grève.
Alors, je serai net : je semble être le dernier Français à savoir faire la pizza. Et la recette – sacrée –, la voici : sur une couche de pâte à pain assez fine, étalez une autre couche, épaisse celle-là, de tomates pelées ; garnissez avec des anchois que vous disposerez à la queue-leu-leu pour dessiner des croisillons ; et placez une olive (noire !) sur chaque intersection. Arrosez d’huile d’olive, salez, pas trop à cause des anchoix, poivrez raisonnablement, et mettez au four. Et rien d’autre ! RIEN.
Ne me remerciez pas.