De la schizophrénie et autres marottes
Le récent fait divers qui a permis à Sarkozy de faire son numéro habituel, toujours à base de nouvelles lois destinées à empêcher les récidives, avait quelque rapport, me semble-t-il, avec la schizophrénie et les individus atteints de cette maladie. Or je viens précisément de lire un article sur la schizophrénie, duquel il ressort qu’elle est surtout dangereuse pour les malades eux-mêmes ! Elle est en effet associée à un taux de suicide important, d’environ 14 %. En outre, un rapport de la Haute Autorité de la Santé, publié en juillet dernier, affirme que ces derniers ne sont qu’exceptionnellement auteurs de crimes, et que 1 % de la population française en souffrirait plus ou moins. D’autre part, les crimes commis par des malades mentaux représentent de 2 à 5 % du total des homicides.
Il se trouve que j’ai eu affaire à une schizophrène… sans savoir qu’elle l’était ! En réalité, je ne l’ai rencontrée que deux fois, à Paris, alors qu’elle vivait à Chamalières. J’ajoute que trois des lecteurs habituels de ce bloc-notes ont été en contact avec elle, l’un physiquement, les deux autres par courrier électronique. Or, dès la première rencontre, et pour une raison que je n’ai jamais comprise, cette jeune femme, pas encore trentenaire et plutôt jolie, s’était entichée de moi. Quelle chance, allez-vous dire ! Hélas non, car je lui ai servi de cible durant des années, surtout par courrier électronique, et deux ou trois fois par téléphone. Or elle était (et est encore, j’imagine) hantée par la mort.
C’est ainsi qu’elle s’est mise à inventer des personnages par l’intermédiaire desquels elle entra en contact avec moi à partir de 2001 – j’avais alors une activité semi-publique m’assurant de nombreux correspondants –, ces intermédiaires étant tous imaginaires et pourvus d’identités et de personnalités assez diverses pour que, son talent littéraire aidant, je puisse les croire réels. Sans travail, elle y passait des journées entières, et, lorsqu’elle estimait que je m’étais suffisamment lié avec ces personnages, elle les faisait mourir ! En quatre ans, on recensa six décès, par maladie, suicide ou accident. Elle alla jusqu’à se faire mourir elle-même, me faisant annoncer la nouvelle par « une amie », qui n’était autre qu’elle, bien entendu. Eh oui, c’est cela aussi, la schizophrénie, aimer quelqu’un, et le tourmenter sciemment.
Elle a fini par se faire démasquer, en allant, toujours sous plusieurs identités, sur un forum dont, hélas pour elle, le webmaster était un de mes amis. Méfiant depuis pas mal de temps, j’avais alors demandé à cet ami de vérifier les adresses IP attachées à ces pseudos, et je sus ainsi qu’ils avaient tous la même. C’est ballot…
Dans une dernière lettre envoyée par la Poste, et tout en se confondant en excuses, elle me faisait parvenir sa carte d’identité, assurant que très bientôt elle n’en aurait plus besoin. Un prochain suicide ? Mais je n’y croyais plus, et vérifiai que le document arrivait à expiration dans une dizaine de jours ! De toute évidence, elle m’envoyait son ancienne carte pour tenter de m’apitoyer. Mais cette fois, ça ne marchait plus.
J’ai pu avoir au téléphone sa mère et son ex-beau-frère, qui m’ont confirmé sa folie. Cependant, elle n’a jamais été dangereuse au sens strict. Elle se prénommait Marie.