De quelques détails protocolaires
Comme je vous devine gens huppés, sans doute voués quelque jour fort proche à fréquenter la haute société, je ressens le besoin de compléter le petit billet que j’ai consacré hier à ce lamentable téléfilm sur Richelieu, écrit avec les pieds d’un ignare. J’y rassemblais quelques termes à ne PAS employer lorsqu’on s’adresse à des têtes couronnées, des aristocrates, des personnages importants ou des prélats. Mais le domaine est si vaste que j’ai négligé quelques détails, que voici en complément.
Vous aviez déjà compris qu’on ne dit pas « Majesté » à un roi, mais j’ajoute qu’on ne lui dit pas non plus « Votre Majesté », et encore moins – là, c’est la bourde fatale – « SA Majesté ». À ce stade, le sens n’y est plus, et c’est comme si vous disiez à votre toute nouvelle épouse, au moment de lui passer l’alliance au doigt : « Chérie, donne-moi SA main ». Je précise que j’ai pourtant déniché cette énorme imbécillité sous la plume de... Jean Cocteau, dans L’aigle à deux têtes. Ce poète mondain, qui ne fréquentait que des baronnes (quoique pas celle de Rothschild), a dû oublier de les écouter parler quand elles vont dans le monde.
Dans le même esprit, si on ne dit pas « Altesse » à un prince, on évite le « Votre Altesse», et l’on prohibe à jamais le « SON Altesse », pour la même raison. Il suffit de lui donner du « Monseigneur » ou de l’appeler « Prince » (écoutez plutôt Cyrano, à la fin de la Ballade qu’en l’Hôtel Bourguignon, monsieur de Bergerac eut avec un bélître : « Prince, demande à Dieu pardon, etc. »).
On ne dit pas « Excellence », ni à un évêque ni à un ministre, puisque l’excellence, je l’ai déjà dit, est une qualité attachée à sa fonction, pas une personne. Là encore, « Monseigneur » suffit au premier, et au second « Monsieur le ministre » (à Roselyne Bachelot, on dit seulement « Roselyne », c’est bien assez).
Enfin, il n’y a aucune raison, si on n’est pas catholique, de dire « Mon père », « Ma mère » ou « Ma sœur » à un curé, une supérieure de couvent ou une religieuse. Je suis toujours stupéfait d’entendre un journaliste juif s’adresser de cette façon au ministre d’un culte qu’il ne partage pas. Et je ne me lasse pas de rappeler que certains, rarissimes, ont assez de liberté d’esprit pour s’en dispenser, comme Claude Villers qui, recevant sur France Inter l’évêque Jacques Gaillot, lui disait « Monsieur ».
Et si le pape vous reçoit (là, je manque d’expérience), donnez-lui du « Très saint père » si vous y tenez, mais je pense qu’en son for intérieur, ledit saint père doit bien se marrer d’être déclaré saint avant sa mort !