Déclin des Guignols
On aimait bien les Guignols de Canal Plus les premières années, on leur trouvait plus que du talent. Leurs auteurs s’appelaient Bruno Gaccio, Benoît Delépine et Jean-François Halin.
Puis les deux derniers sont partis. Halin, le seul que j'ai croisé, est devenu scénariste de cinéma (les deux OSS 117 de Michel Hazanavicius, c’était de lui pour le scénario), et Delépine est parti à Groland, où il est désormais associé avec Gustave de Kervern pour y tourner des films dont ils sont les auteurs, et qui sont réussis... une fois sur deux. Gaccio est resté quelques années, et tout le monde savait qu’il était le chef et l’inspirateur des Guignols, émission-phare de la chaîne et diffusée chaque jour en clair, ce qui ne gâtait rien.
Puis Gaccio s’est lassé à son tour, il est parti écrire pour d’autres, notamment Patrick Timsit, et les Guignols ont reçu ainsi, peu à peu, de nouveaux auteurs, qui ne valent pas les anciens. Le changement se voit à ce trait : du temps de Gaccio, les Guignols osaient, parfois, faire des sketches qui ne faisaient pas rire – bien au contraire, ils donnaient froid dans le dos. Et ça, c’est la marque des grands humoristes, qui savent, de temps en temps, laisser de côté la gaudriole pour être sérieux l’espace d’un moment. Si vous avez vu cette histoire du Tunisien expulsé de France en charter et qui faisait croire à son petit garçon que tout ça n’était qu’un jeu, thème évidemment inspiré par le film de Roberto Begnini La vie est belle, vous comprenez de quoi je parle.
Or il est évident que ces sketches un peu effrayants ont complètement disparu. Place au rire brut, sans grande finesse, où l’insulte s’installe de plus en plus souvent. Et puis, ces sketches interminables, on l’on fait chanter les marionnettes, avec des paroles ineptes, non, vraiment, quelle décadence !
Pour tout arranger, la semaine dernière, les Guignols se sont permis un plagiat. C’était vendredi, et ils montraient Bachar el-Assad se consolant de n’avoir pas eu le Prix de Nobel de la Paix, avec ce souhait : « Je vais peut-être avoir le Prix Nobel de chimie ! ». Nous, on veut bien, mais la blague figurait en page 5 du « Canard enchaîné » de la semaine, donc deux jours plus tôt, dans un dessin de Delambre, au milieu de la septième colonne. Vous pouvez aller vérifier !