Drive-in
Un drive-in, c’est un cinéma dans lequel on entre (in) au volant de sa voiture (drive). À ce détail saugrenu, on reconnaît une invention des États-Unis, pays où tout ce qui est naze est bienvenu, et qui y est apparue en 1933. Cette innovation géniale... ne s’est pas répandue dans les autres pays, et chacun sent à quel point cela nous manquait.
C’est pourquoi il faut remercier la famille Karmitz d’avoir loué le Grand Palais, à Paris, pour y installer un drive-in pour douze jours, entre le 10 et le 21 juin (terme auquel, à notre grande joie, ce sera la Fête de la Musique qui prendra le relais). Le Grand Palais, monument grandiose entre la Seine et les Champs-Élysées, est souvent occupé par des manifestations de plus haute tenue, et rarement il était tombé aussi bas, notamment dans la bêtise – par exemple, en baptisant cet éphémère salle de spectacle du nom d’un assez mauvais film italien, Cinéma Paradiso, qui faisait dans l’humanisme feint.
Chers lecteurs automobilistes, ne croyez pas que vous pourrez vous pointer au Grand Palais au volant de votre bagnole personnelle, ce n’est pas prévu. On a simplement installé quelques rangées de Fiat 500 louées, de sorte que vous vous contenterez de payer pour vous y asseoir – soixante-dix-huit euros pour deux places et deux coupes de Moët et Chandon, mais oui ! Il y a aussi quelques rangées de fauteuils ordinaires, devant, pour les fauchés. De toute façon, trop petit, l’écran est aussi trop loin, et, contrairement à ce qu’a osé affirmer aujourd’hui l’organisateur Elisha Karmitz, l’entrée n’est pas gratuite : y voir un film dans les conditions ordinaires coûte 20,50 euros (c’est la moitié en salles)...
Il faut savoir que la famille Karmitz a un parcours pittoresque. Le père, Marin Karmitz, a débuté dans le métier en faisant des films très gauchisants. D’abord deux courts métrages, puis trois longs, entre 1968 et 1972, intitulés Sept jours ailleurs, Camarades et Coup pour coup (il trouvait « trop molle » la CGT). Ensuite, il est devenu un gros producteur à cigares, et habite un hôtel particulier rue Guynemer, la rue très bourgeoise donnant sur le jardin du Luxembourg, où habitait Mitterrand (au numéro 4, avant d’acheter sa maison au 22 rue de Bièvre). En quoi Karmitz montre qu’il est bien de gauche. Aujourd’hui, il règne sur l’empire des salles MK2, onze multisalles à Paris, et il édite des DVD. Mais il a raté le ministère de la Culture sur lequel il lorgnait. On espère que l’État lui fera des excuses.