Envoyons Proglio en Haïti !
D’un côté, nous avons un pays ravagé par un séisme, Haïti, où les cadavres pourrissent dans les rues, et où les nappes phréatiques ne tarderont pas à être complètement polluées. De l’autre côté, chez nous, en France, nous avons une entreprise, Veolia, qui s’est ainsi rebaptisée afin de faire un peu oublier qu’elle se nommait naguère la Générale des Eaux, entreprise gangrenée par la corruption et les scandales qui vont avec : Veolia Environnement s’est en effet appelée précédemment Vivendi Environnement, groupe issu du partage en deux, en juillet 2000, de Vivendi, elle-même ex-Compagnie Générale des Eaux, qui avait le quasi-monopole (avec la Lyonnaise des Eaux, aujourd’hui Suez Environnement) de la distribution d’eau. Signalons au passage que la Ville de Paris, qui avait accordé la concession de la distribution de l’eau à ces deux compagnies, a dénoncé cet accord et repris ses billes pour remettre à neuf la Régie municipale, pour cause de mauvais gestion et de prix trop élevés.
Veolia, jusque il y a peu totalement méconnue du public, est devenue subitement célèbre quand Sarkozy s’est mis en tête de nommer son PDG, Henri Proglio, à la tête d’EDF tout en le maintenant à la tête de Veolia : donner deux emplois au même homme, c’est sa manière à lui de combattre le chômage...
Problème, ledit Proglio refusait de travailler plus pour gagner moins ! En effet, le PDG d’EDF ne touche QUE 1,1 millions d’euros de salaire annuel, et Proglio voulait deux millions. Si bien que Sarkozy est intervenu sur deux plans : d’abord, le salaire du PDG d’EDF serait porté à 1 600 000 euros ; ensuite, Veolia verserait le complément pour arriver aux deux millions. Que Veolia soit une compagnie privée dans laquelle le président de la République n’a pas le pouvoir de fixer les salaires n’était qu’un détail, et not’ bon maître a sous la main un nombre suffisant d’hommes de paille et de porte-coton pour faire passer toutes les décisions qu’il lui plaît de prendre dans son immense sagesse. En l’occurrence, les trois Stooges chargés de la besogne – je n’ose écrire « la magouille » – sont Daniel Bouton, ex-président de la Société Générale (qui avait dû démissionner à la suite du scandale suscité par le trader Jérôme Kerviel) ; Louis Schweitzer, ex-PDG de Renault, aujourd’hui président de la Halde, mais aussi administrateur de Veolia, de BNP Paribas, de L’Oréal et du constructeur AB Volvo en Suède, président de la branche internationale du Medef et du conseil de surveillance du groupe Le Monde ; et enfin Serge Michel, dont le cabinet, Soficot, conseille les plus grands noms du CAC 40 – dont Proglio, vous l’aviez deviné.
Hélas, après de multiples polémiques et pas mal d’affirmations ridicules et contradictoires comme celles de Christine Lagarde, le pauvre Proglio a dû renoncer, devant le scandale public, à son complément de salaire chez Veolia, entreprise qu’il va donc, désormais, présider gratuitement.
Eh bien, faisons un geste : envoyons Proglio en Haïti. Comme là-bas se posent les petits problèmes d’eau potable évoqués plus haut, et que, par ailleurs, nos chers amis yankees ont pris le pouvoir effectif sinon officiel, et disposent des moyens financiers suffisants pour payer à sa juste valeur cet homme dont on n’a cessé de nous seriner que c’est un génie, nul doute que les deux problèmes seraient rapidement résolus.
Et si après cette suggestion je ne suis pas nommé conseiller à l’Élysée, c’est à désespérer.