Et un massacre de plus, un !

Publié le par Yves-André Samère

Avec ce nouveau massacre d’hier dans une école des États-Unis, nous en allons bouffer, de l’analyse psychologique, dans les jours à venir. À ne plus pouvoir avaler quoi que ce soit d’autre. Mais nous sommes habitués, ces faits divers entraînent les mêmes inepties que les faits de guerre : radios et télévisions convoquent de pseudo-spécialistes, résidant à des milliers de kilomètres, qui n’ont rien vu, ne savent rien de l’évènement, et se pointent pour nous le faire savoir interminablement.

Comme je ne donne pas dans ce genre bidon, je vais m’autoriser à évoquer – seulement évoquer – cette horreur (un garçon de vingt ans tue sa mère qui collectionne les armes, puis, protégé inexplicablement par un gilet pare-balles, se rend dans son ancienne école où il tue vingt enfants et six adultes, avant de se suicider), non pas sous le regard de psy qu’aucune compétence ne m’autorise à feindre, mais sous l’angle cinématographique.

Faisons le tri, car il y a de la matière, et contentons-nous de trois films que tout le monde a vus. Le plus ancien, de 1976, est l’un des rares que Martin Scorsese a réussis, Taxi driver. On y voyait un type assez banal, joué par Robert DeNiro, se laisser fasciner par l’extrême droite et se mettre à flinguer un certain nombre d’innocents, près avoir adopté le look des groupies néo-nazis : treillis militaire, crâne rasé, etc. L’intéressant de ce film était dans la transformation, peu à peu, du personnage. Mais, hormis l’attirance pour l’extrémisme, aucune explication n’était donnée, ce qui d’ailleurs valait mieux, à mon avis, car on n’explique pas l’inexplicable.

Plus récemment, en 2002, il y a eu le meilleur de ces trois films, Bowling for Columbine. Je suis tout à fait favorable à la vision des États-Unis que Michael Moore adopte dans ses films : il aime son pays et ne vivrait pas ailleurs, mais il en dénonce les tares, par le biais d’une satire mordante ; certains argüent que ses « documentaires », disent-ils, seraient assez malhonnêtes, car très orientés dans le sens qui l’arrange. J’ai plusieurs fois écrit que ces critiques à la manque n’avaient rien compris, que Moore ne faisait pas de documentaires, mais des réquisitoires, et je posais la question : dans un procès, avez-vu déjà vu le procureur adopter le point de vue de la défense, et l’avocat requérir contre son client (sauf dans la nouvelle de Georges Courteline Un client sérieux) ? Non. On se répartit les tâches, et que chacun fasse son métier. Or Moore observait avec raison que les États-Unis ploient sous une tare, le droit pour tout citoyen de posséder des armes, droit que leur Constitution a instauré parce qu’elle a été rédigée au temps de la conquête d’un territoire que ses citoyens ont volé aux premiers occupants, les Indiens ; et que, donc, à cette époque, il fallait casser du Peau-Rouge – avec la bénédiction divine, bien entendu, Dieu ayant omis de prendre parti pour le plus faible. Je vous conseille de lire ce qui figure ICI.

Enfin, l’année dernière, nous avons été gratifiés de We need to talk about Kevin, d’après un roman plutôt bon, publié en 2003 par Lionel Shriver (c’est une femme, malgré son prénom), et qui faisait une vigoureuse voire cruelle analyse de la famille dans les classes moyennes, mais que le film du même titre, dû à une photographe, a saboté par une mise en scène lourdingue. Là, un garçon prénommé Kevin haïssait sa mère quasiment dès sa naissance, et parvenu à l’âge de seize ans, tuait son père et sa petite sœur, puis une dizaine d’élèves de son lycée, avec... un arc et des flèches. Il ne se suicidait pas, mais allait en prison pour quelques années.

Je passe volontairement sous silence le massacre dans un cinéma, cette année, lors de la séance inaugurale du dernier film sur Batman, car il ne se passait pas, notez-le, dans un film ! Je ne conclus pas non plus pour jouer les savants, puisque ces évènements me dépassent et que je ne peux feindre d’en être l’organisateur (merci, Cocteau !). À vous d’en penser ce que vous voulez.

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