Exode vers la Syrie

Publié le par Yves-André Samère

On sait que la localité de Lunel, située dans l’Hérault et qui compte vingt-six mille habitants, est fertile en jeunes gens valeureux, très appréciés des sergents recruteurs qui, à la recherche de tueurs désireux de visiter la Syrie et autres lieux réputés pour leur luxe, leur calme et leur volupté (à venir, toutefois, la volupté, puisque, pour profiter des soixante-douze vierges que promet le Coran, il faut d’abord accomplir une petite formalité : mourir en martyr), viennent sur place y faire leur marché.

Soucieux d’éclaircir ce petit mystère extra-touristique, le Grand Journal a invité ce soir sur son plateau le maire de Lunel. Je ne suis pas certain qu’il n’eût pas été plus simple de se contenter d’une petite visite sur place, on y aurait constaté qu’on s’enquiquine à un tel point dans ce patelin que la perspective d’aller mourir en Syrie doit sembler presque aussi attrayante que celle d’une croisière en Méditerranée à bord du Costa Concordia. Je sais de quoi je parle, ma famille a failli s’installer à Lunel, mais mon père a eu le bon réflexe d’aller voir un peu plus loin, et les coins charmants, par chance, ne manquent pas dans l’Hérault.

Pour en revenir au Grand Journal et au maire de Lunel, à peine était-il installé sur son siège que la question très inattendue lui a été posée : « Comment se fait-il que les jeunes de chez vous, etc. ? ». Aussitôt, je me suis dit : « Yves-André, mon ami, il y a du profondément choqué dans l’air ». Et, en effet, cinq secondes montre en main ne s’étaient pas écoulées que l’édile s’est vertueusement écrié qu’il était profondément choqué par cette situation. Réaction qui a conforté mon opinion selon laquelle quatre-vingt-dix-huit Français sur cent roulent sur des rails et adoptent l’attitude que l’on attend d’eux. Et s’il avait simplement déclaré qu’il était profondément enquiquiné par cet exode lunellois vers la Syrie, je suis persuadé qu’il aurait déçu tout le monde.

(J’ai employé ci-dessus l’expression profondément enquiquiné, car, je m’en doute bien, si j’avais écrit que le maire de Lunel était profondément emmerdé, madame Hélène Carrère d’Encausse et monsieur Balladur auraient eu une syncope. Soyons circonspects)

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