Fâchés avec l’arithmétique

Publié le par Yves-André Samère

Relever toutes les erreurs dont les pages des journaux sont criblées, ce serait un travail à plein temps, et aucune bête au monde ne se risquerait à envisager cette tâche pharaonesque. Heureusement, certains journaux, comme « Le Canard enchaîné », se chargent parfois de s’autoflageller, et c’est très bien.

Ainsi, dans le dernier numéro, en page 5, colonne 4, on relève un Pan sur le bec ! relevant une faute commise dans le précédent numéro. Le rédacteur avait écrit en effet que les Français consommaient annuellement 378 millions de tonnes de chocolat. C’était en réalité 378 000 tonnes, soit mille fois moins ! J’avais vu la faute, mais n’avais pas pris la peine de la signaler. (Néanmoins, je compte bien que Sorj Chalandon, qui a laissé traîner l’expression « le taliban » dans sa chronique de la télévision de cette semaine, se fera hari-kiri, puisque le mot taliban est un pluriel, or le cher homme connaît l’arabe mieux que moi)

Mais cela m’a rappelé une bourde du même genre, commise naguère par Christine Ockrent lorsqu’elle présentait le journal télévisé de la nuit sur France 3. Elle avait cru devoir nous informer que la douane avait saisi, sur une petite route de montagne entre la France et l’Italie, le chargement d’un camion transportant « cinq millions de tonnes » de drogue.

Soyons précis : en France, à cette époque, l’article R312-4 du code de la route prescrivait qu’un camion à deux essieux pouvait transporter 19 tonnes au maximum ; un camion à trois essieux, 26 tonnes ; et un camion à trois essieux, 32 tonnes (en fait, 44 tonnes depuis une révision du règlement datant de février 2012). N’importe quel camion peut donc transporter cinq tonnes, mais cinq millions (soit, pour les curieux, 641 fois le poids de la Tour Eiffel)... Et « sur une petite route de montagne », on demande à voir.

La dame, épatée par cette donnée sortie tout droit de son exceptionnel cerveau, l’avait d’ailleurs répétée un peu plus tard, sans remarquer et sans que le réalisateur lui fasse remarquer dans son oreillette qu’elle proférait des sottises.

Comme quoi, la télé nous informe aussi bien que les journaux sur papier.

PS, une demi-heure plus tard : Sorj Chalandon m’envoie un salut de Beyrouth. Il avait écrit « le chef des Taliban », et le correcteur, estimant le texte trop long, a demandé qu’on coupe « chef des ». Ils sont bien, les correcteurs. Le pire est que Chalandon... a coupé lui-même, il me l’a dit ! Ils ont leur fierté, ces écrivains célèbres. En l’occurrence, c’était d’autant plus absurde que couper ces deux mots ne raccourcissait en rien l’article.

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