Fermez le Moulin-Rouge !
Que mon titre ne vous égare pas, je n’entreprends pas de militer contre ce temple parisien de la fesse pour touristes friqués, dont je me fous éperdument (en fait, on y réalise plutôt des émissions de télévision, aujourd’hui, et Stéphane Bern y est tous les après-midis, comme d’ailleurs il est à peu près partout, c’est diabolique).
Le Moulin-Rouge que je feins de viser mais qui est la cible du cabaret en question, c’est... un salon de coiffure situé dans un petit village du Québec, où il est ouvert depuis plus de dix ans, et dont le propriétaire a choisi de baptiser ainsi son enseigne.
Ciel ! Une attaque directe au droit de propriété ? Un vol d’identité, préjudiciable au commerce de notre beau pays ?
Pas du tout. Ce nom est en réalité une référence à un ancien hôtel de ce village, qui a disparu dans un incendie. La dénomination est donc une manifestation plutôt sympathique de la nostalgie locale, et rien de plus. Mais le coiffeur québécois est menacé d’une action en justice pour l’obliger à changer le nom de son usine à bigoudis (ce qui, par la bande, nous ramène à Stéphane Bern, mais je ne l’ai pas fait exprès).
Je n’ai pas de conseil à donner, mais à la place dudit coiffeur – qui a toute ma sympathie, puisque, durant quelques mois, j’ai été coiffeur, comme Luchini –, je ne bougerais pas un doigt ni même une dent de peigne, et laisserais ces grincheux aller se ridiculiser devant un tribunal. Car enfin, réfléchissons un instant : quelle raison peut-on avoir pour traîner quelqu’un en justice ? Réponse : parce qu’il vous cause ou vous a causé un préjudice. Et maintenant, demandons-nous quel préjudice un petit salon de coiffure, totalement inconnu et perdu dans un lointain village où nul ne risque de s’égarer, peut causer à ce haut-lieu parisien du french-cancan, connu du monde entier. Une inondation ? Un incendie ? Un cambriolage ? La perte totale partielle voire totale de sa clientèle ? Absurde !
En outre, on voit mal comment la justice française pourrait obliger un commerce canadien à modifier son enseigne. Outre que les Canadiens en visite en France risquent fort, en représailles, de boycotter le cabaret de Pigalle. Si les plaignants s’obstinent, on va rire un brin, ça nous détendra enfin.