Fusillons les sous-titreurs

Publié le par Yves-André Samère

Mes amis savent en quelle haute considération je tiens les faiseurs de sous-titres, tant au cinéma qu’à la télévision. Et certains de ces scribouillards, d’ailleurs, ont gémi que je les prenais pour cible. Pas TOUS les faiseurs de sous-titres, à vrai dire ! Il a existé des auteurs qui connaissaient le travail et le faisaient bien. Par exemple Jean Sendy, qui gagnait ainsi sa vie, qui était très cultivé, connaissait l’hébreu et a écrit plusieurs livres à succès sur la Bible. C’est lui qui avait rédigé les sous-titres de The graduate (en français, Le lauréat, un immense succès) : si vous avez le DVD, lisez le générique de fin, son nom s’y trouve.

Mais enfin, ces parangons de la conscience professionnelle ne sont plus dans le circuit, et, à la place, on a des gâte-sauces qui ne connaissent ni la langue qu’ils traduisent, ni le français qui est la cible de leur traduction. Et s’ils possèdent quelques notions de la langue-source, ils ignorent les habitudes en vigueur à l’époque où se passe le récit. Un exemple ? En voici un, plutôt rigolo.

Il y a quatre ans, on a ressorti Deep end, un film du Polonais Jerzy Skolimovsli, une histoire qui se passe à Londres bien que le film ait été réalisé surtout à Münich. Ce film datait de 1970, mais on le rééditait en copie neuve, et le distributeur avait fait réécrire les sous-titres originels – erreur fatale – par une traductrice prénommée Hélène, qui a cru bon de « dépoussiérer », comme on dit, et donc de commettre quelques bourdes.

Ainsi, en 1970, on ne traduisait pas See you later par le lassant « À plus », abréviation de « À plus tard ». On se contentait de dire « Au revoir ». Et on ne disait certes pas d’une fille qu’elle était « bonne » ! Sic. Autre manifestation d’ignorance totale, cette scène où une prostituée, qui habituellement tarifait ses passes à cinq livres sterling, consentait le demi-tarif à ses clients, parce qu’elle avait provisoirement une jambe dans le plâtre. Elle annonçait donc que ce serait « Two and ten », ce qui, dans le langage commerçant de l’époque, signifiait deux livres et dix shillings. Or le shilling, qui a été supprimé en 1971, valait un vingtième de livre. Par conséquent, deux livres et dix shillings équivalait à deux livres et demie, qui sont bien la moitié des cinq livres du tarif habituel de la prostituée. Mais la traductrice, qui ne connaît visiblement rien à tout cela, a traduit par... 2,10 livres ! Eh oui, « deux et dix » devenait « deux virgule dix » (pourtant, un peu plus loin, le dialogue précisait bien que la fille demandait 2,50 livres, donc la traductrice n’a pas relu son propre texte).

Ce « dépoussiérage » dont les cuistres se gargarisent sans arrêt consiste ainsi à remplacer les traductions exactes par des équivalents faux ou vulgaires, voire les deux. Mais qu’importe, le public n’est pas si exigeant, il sait à peine lire, et ignore tout des usages du passé.

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