Genres mineurs
Un certain nombre de mes parents et amis ont publié des livres, et parfois, ils les ont même écrits ! La chose ne m’a jamais tenté. Écrire un roman, un récit, une nouvelle, une pièce de théâtre, je sais faire, je l’ai parfois réalisé pour m’amuser, me prouver à moi-même que j’en étais capable – et des fragments de textes, voire des textes complets, que j’avais écrits, se sont à l’occasion retrouvés accidentellement dans des livres publiés par mes proches. Mais ce n’est qu’un début, et je n’ai pas envie de connaître la suite, qui est la chasse aux éditeurs, avec son cortège d’humiliations. Pour ne rien dire de la colossale perte de temps qui s’ensuit. Le jeu n’en vaut pas la chandelle : on écrit, au mieux on est publié, on se croit devenu quelqu’un, puis tout le monde vous oublie. Je préfère aller me balader sur les quais de la Seine. Et ce journal qui m’avait engagé pour y écrire ce que je voulais, je l’ai largué parce que, réflexion faite, il ne me plaisait pas.
En tout cas, et je ne sais à quoi cela tient, les écrivains, au moins en France, ont tous ce travers de dédaigner tout ce qui n’est pas leur propre littérature. Rarement – deux ou trois fois –, j’ai approché des écrivains très connus, y compris celui qui avait provoqué deux scandales à la télé et fait quelques séjours en prison, ou celui-là qui lorgnait sur l’Académie française en prétendant que pour rien au monde il n’accepterait d’y aller, au contraire de cet ancien ami avec lequel il s’était brouillé et qui y était entré ; ce qui faisait bien rigoler ceux qui connaissaient la vanité des deux hommes. Et tous, parlant d’autres genres que celui qu’ils pratiquaient et qui était la « grande » littérature, ont le même dédain envers les « genres mineurs » que sont, pour eux, le roman policier ou de science-fiction (ce dernier englobant le fantastique et l’anticipation).
À l’étranger, on n’a pas ce type de préjugé, et il est facile de montrer que les écrivains qui donnent dans ces genres prétendus mineurs sont davantage ancrés dans le réel et le contemporain que ces rêveurs qui ne connaissent que leur nombril. Tare qui, je le répète, n’affecte que les écrivains français.