Georges-Jean Arnaud
Un film d’anticipation, Snowpiercer, est sorti la semaine dernière. Je ne l’ai pas encore vu, je le verrai sans doute par curiosité, mais la lecture de son synopsis m’a rappelé quelque chose. Dans le dernier « Canard enchaîné », David Fontaine dit que ce film adapte une bande dessinée française, or il faut apporter une précision, car il y a eu DEUX bandes dessinées sur cette histoire, celle qui a servi de point de départ au film et que je n’ai pas lue, et une autre.
J’ai cette seconde bande dessinée, œuvre collective pilotée par Philippe Bonifay, qui a compté 15 tomes mais s’est arrêtée en 2009, faute de succès, et qui elle-même n’est pas l’original, car elle est l’adaptation d’un cycle de romans, La Compagnie des Glaces, qui a eu sa décennie de gloire entre 1980 et 1992 : elle comptait... 62 tomes ! Que j’ai tous lus, soit dit en passant. Son auteur, Georges-Jean Arnaud, est l’un des romanciers les plus prolifiques, avec Frédéric Dard, puisque, écrivant dans bien des genres (policier, espionnage, psychologie criminelle – et je vous conseille Le coucou –, érotique et fantastique), il a publié plus de 350 livres. Il écrivait à toute vitesse, probablement sans se relire, et sortait environ un livre tous les deux mois, que les amateurs s’arrachaient. Son vrai prénom est Georges-Camille, mais il a choisi Georges-Jean et ne veut pas être confondu avec Georges Arnaud, qui avait écrit Le salaire de la peur.
Que racontait La Compagnie des Glaces ? Le point de départ était totalement antiscientifique, car l’auteur, ne én 1928 et qui vit toujours, ne connaît rien à la science et s’en fiche royalement : les hommes, ayant pris la Lune comme poubelle, y avaient accumulé une telle quantité de déchets nucléaires, que notre satellite avait fini par exploser (Arnaud n’a jamais su, notamment, faire la différence entre exploser et imploser), et les poussières s’étant répandues dans l’atmosphère terrestre avaient empêché la chaleur du Soleil de nous parvenir, d’où une glaciation brutale et généralisée. Conséquences : plus de transports, ni par route (tout est couvert de glace), ni par voie fluviale (tout est gelé, y compris les océans), ni par avion (plus d’aéroports, plus de carburant). Ne reste que le train, qui utilise le charbon et produit son électricité afin de faire fondre la glace sur les rails lorsqu’il roule. De plus, les gens sont obligés de vivre dans des trains, car les seules villes encore viables sont protégées par des dômes transparents, eux-mêmes couverts de glace, et que nettoie une nouvelle population issue du froid, les Roux, mi-hommes mi-singes, qui supportent très bien une température de -60° en vivant nus, et se contentent, pour leur nourriture, des déchets qu’on leur jette, un nouvel esclavage, donc, mais consenti.
Inévitablement, les gouvernements ont disparu, car les compagnies ferroviaires, devenues toutes-puissantes et dictatoriales, ont pris tous les pouvoirs... et se font la guerre, pour ne pas perdre les bonnes habitudes de l’Humanité.
Tout cela est donc très fantaisiste, mais l’essentiel est dans la galerie des personnages, extrêmement originaux, et dans la faculté d’Arnaud à créer sans cesse des rebondissements surprenants. Ce premier cycle a d’ailleurs été suivi de deux autres, Les chroniques glaciaires, en 12 tomes publiés entre 1995 et 2000, et La Compagnie des glaces, nouvelle époque, en 24 tomes publiés entre 2001 et 2005, et qui traite du réchauffement après la réapparition du Soleil. Je n’ai pas lu ces deux derniers cycles, mais le premier, si le cœur vous en dit, existe en livres numériques gratuits à la Team Alexandriz dont je vous ai parlé récemment.