Hommage à un stakhanoviste

Publié le par Yves-André Samère

Après des mois de réflexion, je crois avoir trouvé la réponse à une question que chacun se pose. Cette question, d’une importance qui ne peut échapper qu’aux arriérés mentaux et à cette pauvre Isabelle Giordano, c’est celle-ci : comment se fait-il que, dans TOUS les films et téléfilms étrangers diffusés en France après doublage ou sous-titrage, la totalité des personnages, quels qu’ils soient (rappeurs, ambassadeurs, féministes enrag... engagées, représentants du MRAP, policiers corrompus, lycéens en état d’échec scolaire (pardon pour le pléonasme), pompiers violeurs, ministres virés, ministres succédant à des ministres virés, journalistes vendant le même article à six canards différents, secrétaires de direction travaillant à genoux, critiques de cinéma sur France Inter, shampouineuses en activité, acteurs satisfaits d’eux-mêmes (repardon pour le pléonasme), présentateurs d’émissions de variétés sur Télé Poubelle, tous, je dis bien TOUS, parlent, dans les fictions sur nos écrans, de la même façon ?

J’ai déjà effleuré cette question avec la légèreté que vous me connaissez, sans jamais insister, mais, à l’usage des deux ou trois malheureux qui ne seraient jamais venus sur ces pages, je rappelle cette évidence, qu’aucun des personnages recensés plus haut n’utilise jamais, jamais, JAMAIS  le verbe travailler – systématiquement remplacé par bosser –, ni le verbe commencer – systématiquement remplacé par démarrer ou débuter –, et que l’anglais something n’est plus jamais traduit par « quelque chose », sa traduction correcte, mais par « un truc ». Dialogue anglais : “I have something to do” ; traduction : « J’ai un truc à faire ». Et je vous passe le having sex, qui, à l’écran, est traduit, au mieux par « baiser », au pire par « tirer un coup », horrible grossièreté, alors que je pourrais vous en fournir une demi-douzaine de traductions honnêtes.

Bref, cette uniformisation du langage des sous-titres et des doublages se calque sur l’uniformisation de la nourriture (les McDo et autres Quick), des gadgets (les iPad et autres iPhone) et de la musique (les borborygmes boum-boum à la manière de David Guetta, le plus mauvais « musicien », si l’on peut dire, du vingt-et-unième siècle). Sans parler des films eux-mêmes, tous imités de ceux fabriqués aux États-Unis, viendraient-ils de Hambourg, de Séoul ou de Toronto.

Eh bien, je pense avoir résolu cette énigme ! À mon avis, la seule explication possible, c’est qu’il n’existe plus en France, pour traduire, doubler ou sous-titrer les films et téléfilms d’origine étrangère, qu’un seul traducteur. Lequel se charge de tout ce qui nous arrive d’Hollywood, de Rome, de Londres ou de Sydney. Hélas, il utilise des dizaines de pseudonymes différents, sans doute pour frauder le fisc, et je n’ai pas pu déterminer sa véritable identité.

Faute de mieux, tirons notre chapeau à ce stakhanoviste, et formons le vœu qu’il soit bien payé.

(Afin que, très vite, il puisse prendre sa retraite)

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