Il vous manquerait, le Père Noël ?
Je ne considère pas du tout comme anormal, encore moins réactionnaire, que certaines personnes restent attachées à ce qu’elles ont toujours connu, et qu’elles tentent de préserver (je ne dis pas « conserver », quoique les conservateurs de musée ne sont pas non plus des réacs) ce qui demeure de leur passé, ou du passé de leurs ancêtres. Après tout, même les gens de gauche agissent ainsi, et vénèrent le souvenir de Jean Jaurès, de Léon Blum ou de Robespierre (c’est le cas de Mélenchon), voire de Lénine ou de Guevara – que personnellement je vomis, parce que j’en sais un peu trop sur leur compte.
Donc, feu vert, les gars, vénérez vos valeurs ancestrales, ça ne me gêne pas. Mais ne mélangeons pas tout.
En ce moment, comme chaque année en décembre, on nous bassine avec des histoires de Père Noël (et des chants de Noël, ce qui est pire), sous le prétexte farfelu que, si on dit aux enfants que ce pédophile barbu n’existe pas, cette révélation va les traumatiser, et qu’on DOIT leur fournir la ration de rêve sans laquelle, etc. Je ferai remarquer que la publicité, qui se décarcasse pour nous faire croire que nous ne pouvons pas vivre sans un iPad, un iPhone, et qu’il est vital de rester « connecté » (il y a même des brosses à dents connectées !), la pub, donc, ne procède pas autrement. Rions de la jobardise de tous ceux qui gobent ces billevesées. Mais, bon sang ! le Père Noël !... En quoi est-il un héritage, une valeur ancestrale, quelque chose à préserver, comme la Bible, le tombeau de Napoléon, le chapeau de Madame de Fontenay ou le Code pénal ?
Soyons sérieux : avant 1829, personne n’avait entendu parler du Père Noël, et il ne manquait guère aux enfants, par conséquent. Et cela, pour l’excellente mais pas assez connue raison que le Père Noël est né cette année-là, et pas avant, dans le « New York Times », journal de New York comme son nom l’indique, où il était l’objet d’un conte que ce journal publia, en fin d’année si je suis bien renseigné. Le conte eut beaucoup de succès, on colla un peu partout des illustrations qui le représentaient, tout à fait comme on colle des images des personnages de Disney de nos jours. À cette différence près que jamais Walt Disney n’a tenté de nous faire croire que Donald et Mickey existaient vraiment !
La mode a débuté ainsi, et elle a d’abord, curieusement, gagné le Japon. Ensuite l’Europe. Et on ne s’en est jamais débarrassé. Elle est tout aussi ridicule que la mode d’Halloween, et comme par hasard, elle vient du même pays, auquel nous devons beaucoup par conséquent. Mais supposez un instant que Robinson Crusoe, sur son île, ait fondé une famille avec Vendredi (j’ai bien dit « Supposez ») : attendu que Daniel Defoe a publié son roman en 1719, les enfants du naufragé involontaire n’auraient jamais rien su du Père Noël, à venir plus d’un siècle après. Vous pensez vraiment que ce manque leur aurait pesé ?