Ils sont frais, mes « likes », ils sont frais !

Publié le par Yves-André Samère

Il est impossible de prendre Facebook au sérieux. D’abord, parce que prétendre avoir des milliers d’amis simplement parce que, relié qu’on peut être à un réseau (A est ami avec B, qui est ami avec C, qui est ami avec D, d’où il s’ensuit que D devrait être ami avec A), tout le monde finit par être ami avec tout le monde. J’ai parlé naguère, ICI, de cette histoire curieuse des degrés de séparation, notion que j’ai trouvé très amusante puisque, par exemple, il n’a existé qu’un seul degré de séparation entre moi et Alfred Hitchcock, ce qui me comble de fierté (variante à la sauce Facebook : je suis « ami » avec Alfred Hitchcock), ou moi avec la reine Elisabeth – et je n’exagère pas, j’ai la preuve, mon intermédiaire étant Stéphane Bern.

Outre cela, le fait d’induire, grâce à Facebook, ce que peut être l’état de l’opinion, c’est du délire. Vous connaissez certainement le truc des likes : presque partout où les internautes ont la possibilité de déposer un commentaire, y compris ici, les visiteurs ont également la possibilité (mais pas ici, je l’ai interdit) de cliquer sur une des deux petites icônes représentant un pouce, soit levé, signifiant « J’approuve ce qui est dit ici », soit un pouce baissé, signifiant le contraire exact. Un vote, donc, et on imagine l’effort violent que cela demande. Il s’ensuit qu’un référendum s’appuyant sur cette manière de donner son opinion brille par le sérieux. On aurait dû employer la méthode pour décider de l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, par exemple, puisque c’est encore moins coûteux que de téléphoner à un numéro surtaxé, comme vous en sollicite Télé-Poubelle dans ses émissions de prestige du genre Secret story.

Ainsi, dans cette lamentable affaire du bijoutier niçois qui a flingué un cambrioleur, on nous serine que plus d’un million et demi de personnes ont manifesté leur soutien audit bijoutier. Or ce « soutien » a consisté uniquement à cliquer sur une icône like insérée sur la page de Facebook qu’un anonyme a fabriquée. Déjà, c’est croquignolet. Mais il y a mieux : on a su qu’il existait des agences sur Internet permettant d’ACHETER des likes au prix de gros, et donc, de faire croire à une foule de gogos que des masses de gens approuvent ce que vous avez écrit sur Internet (je me demande si je ne devrais pas casser ma tirelire ou passer chez tante Liliane, histoire de devenir populaire). J’ai un peu cherché, et découvert une société, dont le sérieux m’a frappé, puisqu’elle facture des prix assez élevés, garantie évidente de respectabilité : entre 9 euros pour 50 likes et quatre mille euros pour 500 000 likes. Alléchant, non ?

À mon avis, l’élection présidentielle, un jour, se fera sur ce critère. Le suffrage censitaire, il n’y a que ça de vrai.

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