Ivan Levaï a pris la porte
N’est-ce pas triste ? Le nouveau président de Radio France, qui s’appelle Mathieu Gallet et qui, pour une fois, est jeune (et beau), donc à l’opposé de Jean-Luc Hees qui a pris la porte, a décidé qu’Ivan Levaï, qui a 77 ans, devait la prendre aussi. Naturellement, Levaï – qui a choisi ce nom en anglicisant celui qu’il porte, ce que personne n’ose rappeler pour ne pas trop être taxé d’antijudaïsme en insistant sur ce dégonflage en règle –, Levaï, donc, a poussé des hurlements en prétendant qu’on le mettait dans la catégorie (immense) des vieux cons caducs.
Comme je suis féru de justice, je vais prouver ci-dessous qu’Ivan est tout sauf un vieux con caduc, mais au contraire un jeune génie pas du tout gâteux. Sinon, aurait-il, le 14 janvier dernier, au cours de la conférence de presse que François Hollande avait donnée, posé à celui-ci une question à laquelle le présiblique... venait justement de répondre ? Mais tout le monde peut avoir un instant d’inattention, fût-ce en présence du chef de l’État. Lequel a dû, néanmoins, estimer qu’on lui marchandait le peu d’attention que les journalistes lui portent encore.
Plus rigolotes, de Levaï, les vannes machistes à répétition. Le 6 octobre 2011, il était invité sur France Inter pour présenter un livre qu’il avait écrit sur DSK. Là, il a répété qu’il ne croyait pas à la tentative de viol sur la femme de chambre Nafissatou Diallo, parce que, a-t-il argüé, « Pour un viol, il faut un couteau, un pistolet ». Sic. C’est Levaï, le drôle de pistolet, en l'occurrence. Et le 8 décembre 2013, faisant en direct du gringue à la grande chanteuse lyrique Natalie Dessay, il raille le physique d’une cantatrice allemande vue la veille à la télévision dans La Traviata : « Vous, Natalie, vous êtes une Traviata qu’on peut voir physiquement. Alors que l’Allemande... ». On n’est pas plus courtois, voire galant. Enfin, la semaine d’après, alors que deux femmes se battent pour devenir maire de Pais, il assène ce compliment : « NKM et Anne Hidalgo sont très jolies toutes les deux », argument décisif dans une élection de cette importance.
Levaï, non seulement perdait la mémoire des noms et des dates, mais il faisait mal son métier, agrémentant ses revues de presse de chansonnettes qu’il poussait incongrument, et qui tombaient là comme des cheveux sur la soupe. Il y eut aussi, naguère, cette anecdote que nul n’a sans doute remarquée, la chose étant devenue quasiment quotidienne chez la totalité des gens de radio-télé : en 2005, dans une émission sur les séries télévisées, il interrogeait un acteur qui avait eu pour partenaire une actrice ayant joué récemment sur scène avec Alain Delon. Question bouleversante d’originalité : « Est-ce que vous êtes tombé amoureux de votre partenaire ? ». Ce type de question contenant la réponse est un grand classique pour intervieweur débutant (Levaï avait alors 68 ans), et présente infailliblement l’avantage de faciliter les choses à l’interviewé : il sait quoi répondre pour faire plaisir au journaliste ! Accessoirement, on pouvait encore s’étonner qu’en 2005, les journalistes en soient toujours à présupposer que tout acteur mâle doit obligatoirement tomber amoureux de toute actrice qu’il approche dans l’exercice de son métier. Ce n’était, déjà, pas un peu sexiste ? Voire un peu crétin ?