La « Bête noire » de la justice

Publié le par Yves-André Samère

Voir ses dires confirmés par quelqu’un qui connaît tout sur la question est un plaisir de gourmet. Or il se trouve que je suis intéressé par le fonctionnement de la justice, que j’ai rédigé sur le sujet deux ou trois notes qui peuvent déplaire, et que maître Éric Dupont-Moretti, célèbre avocat pénaliste et qui n’a pas sa langue dans sa poche, publie un livre confirmant indirectement ce que j’ai dit deux ou trois fois à propos de la condamnation de Christian Ranucci. Ce malheureux garçon de 23 ans, totalement innocent, a été condamné à mort et guillotiné parce qu’il s’était rendu antipathique au président du tribunal qui le jugeait pour le meurtre d’une fillette. Or l’avocat dont il est ici question, et dont la vocation est précisément née de cette affaire abominable, affirme la même chose : le président dispose d’un pouvoir exorbitant !

Je soutenais, et maître Dupont-Moretti le soutient aussi, que le jugement « par le peuple », puisque le jury des cours d’assises est composé de citoyens ordinaires tirés au sort, est une fiction, et que le président du tribunal a toute latitude de faire pression sur eux pour en obtenir le verdict qui lui plaît. Ce point a d’ailleurs été exposé par le cinéaste André Cayatte, ancien avocat devenu réalisateur, dans son fim Verdict. On y voyait la mère d’un assassin enlever l’épouse du président de la cour chargée de juger son fils, et faire à ce magistrat le chantage que vous devinez : si vous condamnez mon fils, vous ne reverrez pas votre femme vivante. Pris à la gorge, le juge, que jouait Jean Gabin, s’exécutait, si j’ose dire, et faisait acquitter le jeune criminel en orientant les débats du jury lors de la délibération.

Bref, c’est ce qu’écrit dans son livre maître Dupont-Moretti, appelant à une vraie réforme de la justice française. Évidemment, personne ne l’écoutera, ladite justice étant une institution sclérosée à un point qu’on imagine mal, et l’auteur du livre, très mal vu de la hiérarchie à cause de son franc-parler. Ainsi, il s’est opposé à ce décret dont j’ai parlé il y a six jours, et qui se propose d’offrir sur un plateau, aux hommes politiques, l’accsssion à la profession d’avocat sans passer par l’obtention du Certificat d’aptitude à ce métier.

Le livre s’appelle Bête noire, condamné à plaider, il est publié chez Michel Lafon, et il a été co-écrit avec Stéphane Durand-Souffland, chroniqueur judiciaire au « Figaro ». 250 pages, 17,95 euros (publicité gratuite).

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