La culture de nos présidents
Sur le plan de la culture, la Cinquième République avait plutôt bien démarré, avec des présidents que l’intellect ne laissait pas indifférents, et cet état a duré quarante-huit ans.
De Gaulle avait beaucoup lu, et publié plusieurs livres avant de se faire un nom en politique. Il avait été le nègre de Philippe Pétain, et leur brouille est d’ailleurs venue de là, car Pétain avait paraît-il refusé que le nom de son collaborateur figure avec le sien en tête de leur ouvrage commun. Mais les livres que De Gaulle a publiés sous son propre nom ne concernaient que l’art de la guerre. Et, après la guerre, il ne publia que des Mémoires de guerre. Mais enfin, il savait s’exprimer, ce qu’on n’acquiert pas sans avoir hanté les bibliothèques.
Son successeur non désiré (De Gaulle n’a pas voté pour lui), Georges Pompidou, était agrégé de lettres. Il n’a écrit que deux livres, une Anthologie de la poésie française, et Le nœud gordien, et en avait commencé un autre, Pour rétablir une vérité, inachevé et publié huit ans après sa mort, sous un titre qu’il n’avait pas choisi. Seul le premier ne concernait pas la politique. Hélas, sur le plan architectural, il saccagea Paris, avec les nouvelles Halles, le front de Seine du quinzième arrondissement, le centre qui porte son nom, et cette interminable voie express qui défigure les bords de la Seine, également baptisée de son nom.
Ensuite vint Giscard. Curieusement, et tout comme les maréchaux autrefois et aujourd’hui les cardinaux, il a réussi en 2004 à être élu à l’Académie française sans avoir rien écrit de valable : pendant sa présidence, Démocratie française n’était qu’un essai politique. Ensuite, il sortit quelques romans médiocrissimes, qui firent beaucoup rire par leur prétention à un érotisme de bazar plutôt naïf. Il se rattrapa avec un roman de politique-fiction sur Napoléon, puis un roman, Mathilda, sur une Allemande ayant vécu en Namibie. Mais, durant son septennat, il manifesta sa passion pour Maupassant, au point de se faire inviter à la télévision, dans Apostrophes (émission tronquée, je vous préviens) pour discourir sur cet auteur. Et il fit transformer l’ancienne gare d’Orsay en un magnifique musée consacré au dix-neuvième siècle.
Mitterrand lui succéda. On a beaucoup rendu hommage au Mitterrand écrivain, ce qui fut très exagéré, car il n’a publié que des livres politiques, dont le seul bon est le plus connu, Le coup d’État permanent, un pamphlet contre De Gaulle, où il dénonçait tout ce que lui-même devait faire ensuite en matière d’abus de pouvoir (de Gaulle ne s’est jamais régalé d’écoutes téléphoniques croustillantes qui espionnaient des actrices célèbres). Très cultivé mais faux écrivain, Mitterrand était néanmoins un grand lecteur, surtout d’auteurs de droite et d’extrême droite. Il tenait aussi à passer pour un grand bâtisseur, mais, hormis l’Institut du Monde arabe, il ne fit édifier que des horreurs, comme l’opéra de la Bastille et l’Arche de la Défense.
Chirac, son successeur, tenait beaucoup à être pris pour un inculte, et faisait répandre le bruit qu’il passait ses nuits à regarder en vidéo de vieux westerns – goût qui n’est pas spécialement l’apanage des ploucs. En réalité, il comprenait le russe, au point d’avoir traduit un grand auteur russe, Gogol je crois (lorsqu’il devint Premier ministre de Giscard, un éditeur lui proposa de publier sa traduction, mais il refusa). En outre, c’était un amateur éclairé des arts asiatiques et africains, mondialement consulté par les spécialistes, et il mit en œuvre la construction d’un musée spécialisé dans cette branche.
Après, ce fut la Bérézina. Sarkozy n’avait que trois centres d’intérêt : le pouvoir, l’argent et les femmes. On lui attribue néanmoins plusieurs publications : Georges Mandel, le moine de la politique, une biographie soupçonnée d’avoir été plagiée ; Les lettres de mon château, recueil de parodies sur l’entourage de Chirac ; et deux ou trois menus ouvrages publiés chez un éditeur très complaisant, XO, à caractère uniquement politique. Donc rien qui concerrne la littérature.
François Hollande ne fait pas mieux, il n’a publié que des ouvrages politiques, plusieurs en collaboration, mais rien qui évoque la carrière d’Alexandre Dumas. Pire que Sarkozy, lui n’a que DEUX passions, le pouvoir et les femmes. Il ne lit pas, n’écrit pas, ne va pas au théâtre, ni au cinéma, ni au concert, ne cite jamais un auteur. Rien. Le désert culturel.