La honte

Publié le par Yves-André Samère

Ce matin à Caen, Bernard Guetta a fait sur France Inter la meilleure chronique géopolitique de sa carrière. Le thème en était la conséquence de la Libération, mais traité sur le mode noir. En résumé, les Alliés, vainqueurs du nazisme, n’ont pas été dignes de cette victoire, et ont produit ensuite d’autres dictatures, d’autres atrocités que les nazis auraient pu revendiquer.

Du côté des États-Unis, on a « oublié » de châtier les responsables allemands (pas tous, il y a eu le procès de Nuremberg) et japonais. Si bien que Werner von Braun, créateur des fusées qui s’acharnaient sur Londres, a été recruté par nos chers alliés pour s’occuper de leur programme spatial : cela valait la peine, pour envoyer des hommes sur la Lune, de traiter si bien et d’honorer ensuite un ancien serviteur des nazis... Tandis qu’à Tôkyô, l’épouvantable empereur Hirohito, responsable de l’attaque de Pearl Harbor et des atrocités de l’Unité 731, est resté en place : le dernier allié vivant d’Hitler a eu droit bien plus tard à des funérailles à grand spectacle, où se sont précipités tous les chefs d’État du monde, à commencer par le nôtre, Mitterrand – vous savez, le célèbre grand humaniste de gauche. Mieux, si j’ose dire, les scientifiques qui présidaient à ces atrocités en Chine et en Mandchourie, loin d’être emprisonnés et jugés, ont été recrutés afin de travailler aux États-Unis pour les recherches sur la guerre bactériologique. Belle avancée de la civlisation ! Quant aux multiples dictatures favorisées ou même créées par les États-Unis dans les pays qu’ils considéraient comme appartenant à leur pré carré, on ne les compte plus. Et je ne parle même pas des centres de torture qu’ils ont exportés dans les pays amis, comme le Maroc. Les États-Unis « nous ont libérés » ? La bonne blague. Il existe quelques à-côtés qu’il serait bon de rappeler.

Du côté des Russes, triomphe apothéosique : Staline, celui-là même qui avait sciemment provoqué naguère une famine ayant causé trois millions de morts, en vue d’éliminer les paysans qui ne voulaient pas se reconvertir en travailleurs d’usine, a fait davantage de victimes qu’Hitler en personne. Et la création des goulags valait bien celle des camps de concentration nazis (je dis bien de concentration, pas d’extermination).

En Europe, on a vu, par exemple en Algérie (je vous ai parlé de Sétif), comment le gouvernement, présidé par ce général (à titre temporaire) que les Français ont quasiment déifié, a manifesté sa reconnaissance aux combattants qu’on avait fait venir d’Afrique pour défendre la mère patrie. On a si bien fait, en tirant sur les manifestants, qu’on a suscité des rébellions un peu partout, lesquelles ont abouti sur une série d’indépendances acquises ensuite dans les massacres.

Écrire ci-dessous une ânerie quelconque :

P
Merci pour ces importants rappels. En effet, l'histoire est écrite par les vainqueurs, et ce n'est pas près de changer...
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Y
C’est bien mon avis. Justement, je viens de voir un beau film qui ne sortira que mercredi prochain, « The railway man », qui rappelle que les Japonais ont été d’affreux tortionnaires.<br /> Mais ils sont passés entre les mailles, bien que vaincus, parce que le vainqueur avait besoin d’eux.
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C
Cette récupération de certains criminels ne grandit pas les Allies et tend à conforter la thèse de ceux qui disent que la vérité, ou la justice, est du côté des vainqueurs.
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