« Le système Ribadier » sur France 2

La presse et Le masque et la plume de France Inter ont tressé des couronnes pour cette pièce de Feydeau, qui se joue en ce moment à Paris, au Vieux-Colombier, dans une mise en scène de Zabou Breitman pour la Comédie-Française. La pièce a été diffusée en différé sur France 2 le 30 décembre, je l’ai regardée, et je n’en ai pas pensé beaucoup de bien.

D’abord, elle se joue dans un décor unique, passablement surchargé, avec des costumes ridicules, surtout celui de Laurent Laffitte, et le deuxième personnage masculin est affublé d’une coiffure caricaturale tout à fait hideuse. Des six acteurs, la vedette féminine manquait singulièrement d’attrait, ce qui rendait peu crédible que l’ami du mari la convoite.

Mais surtout, on a exhumé là l’une des pièces les moins attrayantes de Feydeau. L’argument, comme presque toujours, repose sur le fait que le mari trompe sa femme, et qu’elle a l’occasion de lui rendre la monnaie de sa pièce avec le meilleur ami de l’infidèle – ce qu’elle ne fera pas. Très bien, mais il manque à ce canevas tout le reste, c’est-à-dire les mouvements rapides (comme dans La puce à l’oreille, où le même acteur joue deux personnages), les entrées et sorties, les quiproquos, et surtout l’application de ce principe qui fonde les grandes pièces de Feydeau : que, lorsqu’un personnage ne doit surtout pas en rencontrer un autre, on les met le plus vite possible nez à nez ! Ce système, qui n’est pas celui de Ribadier, marche magnifiquement, par exemple dans La dame de chez Maxim, que j’ai eu le plaisir de voir plusieurs fois, et qui est grandiose quand la pièce est montée correctement, c’est-à-dire en respectant les didascalies (les indications de mise en scène données par l’auteur lui-même, qui était exigeant et très précis).

Bien sûr, quand c’est Jean-François Sivadier (et pas Ribadier) qui fait la mise en scène, le résultat est catastrophique, car, en dépit de tout le bien que disent de lui les intellos bien parisiens surtout guidés par le copinage, ce monsieur se croit plus intelligent que l’auteur, et se livre à un effroyable cafouillage. À boycotter.

Au fait, le système Ribadier du titre, cela consiste en quoi ? En ce que le mari est capable d’hypnotiser sa femme grâce à quelques gestes exécutés sous ses yeux, et de la réveiller en lui soufflant dessus ! On est très loin du fauteuil « extatique » dans La dame de chez Maxim. Ce n’est ni ingénieux ni drôle.