« Le voyage de monsieur Perrichon »
Vu hier soir sur France 3 Le voyage de monsieur Perrichon, téléfilm adapté de la pièce d’Eugène Labiche – un auteur du dix-neuvième siècle, très apprécié des metteurs en scène de théâtre, qui le jouent souvent, quoique un peu moins que Feydeau et Guitry, lesquels ne quittent quasiment jamais l’affiche, et il y a certainement une raison.
La pièce raconte comment Perrichon, un commerçant enrichi mais avare, plein de vanité mais lâche, inculte mais qui se pique d’avoir un petit talent d’écriture (il se trompe), dédaigneux des gens du peuple mais courant après la Légion d’Honneur, emmène sa femme et sa fille en villégiature au Mont-Blanc, en août 1860. Or deux jeunes hommes sont attirés par la fille, Henriette, et jouent des coudes pour se placer dans les bonnes grâces du père.
Le téléfilm était agréable à suivre, surtout à cause des paysages de montagne, qui curieusement ne montraient jamais la Mer de Glace dont il est beaucoup question – elle avait fondu ? –, et du talent de Didier Bourdon, parfait dans le rôle principal. Les couleurs donnaient volontairement dans le bariolage, conférant à tout cela un aspect artificiel justifié, et la comédie était courte, une heure et vingt-cinq minutes, ce qui est la norme des téléfilms de France 3. On ne s’en plaindra pas.
Cependant, j’ai des doutes sur l’adaptation. Je ne crois pas qu’un commerçant de cette époque aurait employé les mots et expressions technologie (au temps 6:18), bravitude (23:57), je vais m’le faire (56:40), discouru sur la pénibilité du travail (1:09:42), ni qu’un jeune homme aurait qualifié de cougar (1:24:12) l’épouse de Perrichon, femme mûre qui passe son temps à sauter sur tous les hommes jeunes qu’elle rencontre ! C’est le défaut habituel des adaptateurs : ils veulent se montrer modernes, voire « branchés », et produisent des contresens ou de la vulgarité.
La télévision serait bien avisée de diffuser, si elle l’a enregistrée, Un chapeau de paille d’Italie, jouée triomphalement l’année dernière à la Comédie Française (avec Pierre Niney), folle cavalcade sur une journée cahotique de mariage, qui est la pièce la plus connue de Labiche. Là, c’est presque du Feydeau.