Les frères et sœurs de Jésus
Les quatre Évangiles et les Actes des Apôtres mentionnent que Jésus avait des frères et des sœurs, et donnent le nom des frères : Jacques, Joseph, Simon et Jude, sans nommer les sœurs ni même préciser combien elles étaient, puisque ce n’étaient QUE des filles. Voir Matthieu, XII, 46-47 et XIII, 55-56 ; Marc, III, 32 et VI, 3 ; Luc, VIII, 19-21 ; Jean, VII, 3, 5 et 10 ; Actes, I, 14. Ce point, qui gêne considérablement l’Église, peut recevoir plusieurs interprétations :
- PREMIÈRE INTERPRÉTATION : Jésus, fils de Dieu, ne peut avoir ni frères ni sœurs. Ce point de vue radical, qui semble contredit par le texte même des Évangiles et des Actes des Apôtres, doit recevoir une explication, que fournira « saint » Jérôme (voir plus loin).
- DEUXIÈME INTERPRÉTATION : Joseph et Marie ont conçu Jésus comme tout le monde, et ont eu d’autres enfants. Marie n’est pas restée vierge. À l’appui de cette thèse, on trouve le propos de l’évangéliste Matthieu, qui remarque que Joseph n’eut pas de rapports sexuels avec Marie jusqu’à la naissance de l’enfant, ce qui laisse supposer qu’il en eut après, sinon sa remarque n’aurait guère eu de sens. Matthieu avait affirmé que Marie était vierge, en lui appliquant, pour renforcer le mythe, une citation du prophète Isaïe prise dans l’Ancien Testament : « Voici que la vierge enfantera ». Mais la citation serait inexacte, car le mot hébreu alma employé par Isaïe, et qui signifie « jeune fille » ou « fille jeune », aurait été traduit à tort, dans le texte grec où Matthieu prit la citation, par le mot parthenos ; alors que, si Isaïe avait voulu parler d’une « vierge », il aurait dit bathoula et non pas alma. Remarquons que Matthieu est le seul évangéliste qui raconte que Marie et Joseph étaient mariés : Luc dit qu’ils étaient fiancés, Marc et Jean n’évoquent ni la naissance ni l’enfance de Jésus.
- TROISIÈME INTERPRÉTATION : Joseph avait déjà été marié et avait eu six enfants, qui sont ainsi les demi-frères et demi-sœurs de Jésus. Cette interprétation ressort des évangiles apocryphes L’histoire de Joseph le charpentier, texte écrit seulement au quatrième siècle, réservé à une diffusion en Égypte, et qui prétend que Joseph ne serait mort qu’à l’âge de cent onze ans, et du Protévangile de Jacques : Marie, consacrée très jeune au temple de Jérusalem par sa famille, puis devenue orpheline, aurait été confiée à l’âge de douze ans à Joseph, prêtre du temple de Jérusalem et charpentier, déjà âgé de quatre-vingt-dix ans et veuf depuis une quarantaine d’années, par le Conseil des prêtres du temple. Le mariage qu’ils ordonnaient devait rester « blanc », ce que l’âge avancé de Joseph garantissait. Or, il advint que Joseph dut s’absenter plusieurs mois, laissant Marie à la garde des enfants qu’il avait déjà, et qui étaient tous adultes : ses filles Lydia et Lysia, et ses fils, Judas, Juste, Simon et Jacques (notons la différence de prénom avec les Évangiles canoniques : Juste au lieu de Joseph, Judas au lieu de Jude). À son retour, il aurait trouvé Marie enceinte, probablement d’un de ses propres fils. Joseph serait ainsi, non le père, mais le grand-père de Jésus. Il est évident que cette thèse n’a pas l’agrément de l’Église catholique... L’hypothèse, parfaitement arbitraire, mais conforme à ce que l’Église préférait offrir aux fidèles, selon laquelle ces frères et sœurs étaient des cousins et cousines, est due à « saint » Jérôme (331-420) : il avait trouvé, dans Jean, XIX, 25, une Marie de Cléophas (ou de Clopas), présente au pied de la croix, et que Jean prétend sœur homonyme de Marie – alors que jamais il n’a été question de cette prétendue sœur, ni avant ni après, dans aucun texte. Jérôme lui attribua lesdits enfants sans le moindre scrupule ni la moindre justification, et l’Église s’empressa d’adopter cette hypothèse. Ce Jérôme alla plus loin, proclamant que « le Christ, lui-même resté vierge, est issu d’un mariage de vierges ». Or, on ne voit pas pourquoi, sinon Jésus, du moins Joseph serait resté vierge : dans le monde juif, l’ignorance de la femme, pour un garçon, est une sorte de malédiction sociale.