Les instituteurs SONT des acteurs

Publié le par Yves-André Samère

Avoir été ministre de Chirac ne fait pas de vous un crétin ou un personnage inintéressant : penser cela, c’est du sectarisme. Par exemple, je prends toujours plaisir à écouter Luc Ferry, qui a été ministre de l’Éducation nationale (il n’a pas beaucoup aimé ce travail, ayant constaté qu’un ministre n’a aucun pouvoir) et qui reste philosophe, un philosophe moins ennuyeux et surtout moins prétentieux que BHL – y compris depuis que ce dernier joue la comédie de l’autodérision.

Cette fin de matinée sur France Inter, Ferry a tenu des propos intelligents sur l’enseignement, dont il affirme que ce n’est pas une science mais plutôt un art, que seuls les dons et la pratique font de vous un bon instituteur ou un bon professeur, et que ce métier, au fond, est très proche de celui d’acteur.

Je jubilais d’autant plus que c’est ce que je prétends depuis pas mal de temps, et que je crois l’avoir écrit une ou deux fois ici. Mais comme je ne suis pas tout à fait certain que vous avez en tête les presque 4600 articles que ma nature sadique m’a poussé à gribouiller pour vous punir de vos péchés, je vous refourgue une argumentation qui me semble relever du bon sens. Elle m’était venue à l’esprit en lisant (ou en écoutant, peut-être) l’éloge exagéré de je ne sais plus quel acteur, dont on faisait un héros sous le prétexte que, dans la pièce qu’il jouait alors, il restait en scène un peu plus de deux heures : deux heures, ma sœur, il tient deux heures ! Les bras m’en tombent, mais comment fait-il ? Vite, qu’on lui donne un Molière !

Eh bien, à mon avis, il fait, mais en moins endurant, ce que fait tout instituteur chaque jour dans sa classe. À ces quelques détails près :

- 1. quatre fois et demie par semaine, chaque jour ou presque, donc, un instituteur tient six heures, scindées en quatre « actes », séparés par une récréation d’un quart d’heure le matin (au théâtre, on appelle ça un entracte) et autant l’après-midi ;

- 2. il est l’auteur de son texte ;

- 3. ce texte change tous les jours ;

- 4. il improvise sa mise en scène, en fonction des réactions de son public ;

- 5. ledit public ne l’applaudit en aucun cas, et les radios-télés ne l’invitent jamais à discourir sur des sujets où on le croit expert sous le prétexte qu’il est connu.

Comme disait à peu près Figaro, aux capacités qu’on exige d’un instituteur, connaissez-vous beaucoup de vedettes qui seraient dignes de faire classe à des moutards ?

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