Les lâches et le malotru

Publié le par Yves-André Samère

D’où vient cette thèse selon laquelle un journaliste français, même ridiculisé en public par le président de la République, ne « puisse pas » lui répondre ? Alors, le journalisme, c’est comme la justice ? Un président de la République peut attaquer qui bon lui semble, mais on ne peut riposter en aucun cas ?

Cette forme – dévoyée – de respect remonte à De Gaulle et à ses conférences de presse – puisqu’il n’accorda jamais d’interviews avant celle, un peu bidonnée, faite avec Michel Droit, à la télé, entre les deux tours de la campagne électorale pour la présidentielle de 1965. On le sait, toutes ces conférences de presse, en public, étaient abondamment truquées, puisque les questions, préparées à l’avance, étaient connues de Mongénéral, qui avait aussi préparé ses réponses. Du moins De Gaulle n’insultait-il jamais qui que ce soit. D’une grande politesse en toute circonstance, on ne lui connaît sur ce point aucun écart.

Ses successeurs s’efforcèrent de faire de même, et y parvinrent en grande partie. Il n’y eut guère que madame Pompidou, épouse de celui qui lui succéda en 1969, pour oser lancer un jour aux journalistes qui escortaient le couple présidentiel un « Basta ! » leur signifiant qu’elle les avait assez vus. Mais cela n’alla pas plus loin.

Giscard, bien entendu, tenait trop aux apparences de sa feinte aristocratie pour déroger, et il n’eut pas un mot désobligeant envers qui que ce fût, même s’il opposa « un démenti formel, et j’ose dire méprisant », aux accusations journalistiques d’avoir accepté des diamants de la part de son « cher cousin » Bokassa.

Mitterrand, interviewé par deux journalistes belges qui poussaient les questions un peu trop loin – à son gré –, étala sa mauvaise humeur et mit fin à l’entretien, mais c’était en privé, et il n’insulta pas non plus ses deux tourmenteurs.

De Chirac, peu amateur d’entretiens en public, à l’exception de l’interview du 14-Juillet, toujours conduite par un PPD guère chicanier, on n’a rien retenu.

Il fallut attendre Sarkozy pour voir le président de la République, non seulement étaler avec effronterie des chapelets de mensonges évidents, mais injurier ses interlocuteurs, qu’en outre il tutoie. On n’a pas oublié son apostrophe à ce pauvre Laurent Joffrin, et les rires complices de l’assistance. Et c’est à cela que je voulais en venir. Rien n’aurait été possible sans la lâcheté de la corporation, qui, la première fois qu’un tel incident se produisit, aurait dû quitter la salle comme un seul homme et refuser de se prêter à tout autre opération médiatique sans avoir auparavant reçu les excuses tout aussi publiques du malotru.

Aujourd’hui, celui-ci en est arrivé, à Lisbonne, à feindre de traiter de pédophile un des journalistes présents – plaisanterie vaseuse, et qui n’a rien à voir avec le comportement que devrait avoir en public un chef d’État. Là encore, pour réagir, la corporation a patienté, jusqu’à ce qu’il ait le dos tourné. À une autre époque, cela ne se serait pas passé ainsi.

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