« Les mille et une nuits », mauvaise édition

Publié le par Yves-André Samère

Vu à la FNAC une nouvelle édition du célèbre recueil de contes Les mille et une nuits. Vendu dans une boîte rouge pesant au moins cinq kilos, c’est une édition de luxe richement enluminée et imprimée avec élégance. Je signale que ce machin est vendu pour... 255 euros !

Comme je suis du genre curieux, voire fouineur, que je lâche pas facilement ma proie, et qu’il n’est pas encore né, celui qui me vendra des œufs de lump pour du caviar ou du pâté de foie pour du foie gras (je plaisante : je n’aime pas du tout le foie gras, et ce n’est pas demain la veille que je mangerai des œufs arrachés du ventre d’un poisson vivant), j’ai cherché l’auteur de la traduction de ces contes, qui n’ont évidemment pas été écrits en français, mais en arabe, et d’origine indienne et perse.

Il m’a fallu un petit moment, mais j’ai fini par dénicher ce que je cherchais et qui était bien caché, par le plus grand des hasards sans doute. Or, catastrophe ! Il s’agit de la première traduction en français, celle d’Antoine Galland, publiée de 1704 à 1717, donc presque entièrement sous Louis XIV, et transposée, voire partiellement inventée (Sinbad le marin, Aladin et Ali Baba ne sont pas d’origine) en style précieux de l’époque, et abondamment censurée, car les passages érotiques, les mots tabous comme enculer et les références à des pratiques complètement disparues comme la pédophilie existaient bel et bien dans les textes d’origine.

Les admirateurs de l’œuvre considèrent donc la traduction Galland comme bonne « à mettre au cabinet », ainsi que dit dans Les femmes savantes, et vous conseillent plutôt celle de Joseph-Charles Mardrus, qui date de la période 1899 à 1904, et qui est plus fidèle, quoique pas totalement (le style a été adapté pour faire apparaître plus érotiques et moralisateurs les textes originaux). Mais il y a mieux et plus récent : celle de René R. Khawam, dont la plus récente édition est de 1980. Excellent traducteur, et j’avais lu sa version du livre d’Ahmad Al-Tîfâchî Les délices des cœurs, à ne pas rater (en poche chez Amazon, pas cher), très érotique, donc à offrir à vos enfants pour qu’ils ne deviennent pas idiots ou membres de Civitas – et pardon pour le pléonasme.

Tout de même, 255 euros pour les textes de Galland qu’on trouve facilement en édition de poche, qu’on ne devrait plus réimprimer, c’est un peu violent.

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