Les modestes et les vaniteux
La presse s’est répandue en dithyrambes sur le dernier film de Xavier Dolan sorti mercredi, et n’a pas manqué de ressortir les clichés habituels : petit génie, surdoué du Québec, et autres fadaises... sans voir que le petit génie s’engouffre tête baissée dans tous les trucs à la mode, dont l’hystérie constante, et ne sait pas filmer convenablement. On nous avait accablé des mêmes crétineries, il y a dix-huit mois, avec le film de Kechiche. Or le chiendent, quand vous dites à un auteur qu’il est un génie, c’est qu’il ne demande qu’à le croire, et se comporte dès lors en conséquence. Parce qu’un génie, c’est censé se faire remarquer.
Dolan, on l’a invité partout, en France : il est passé dans la plupart des radios et des télés, et comme il n’y a pas d’autres sujets de conversation dans le pays, on l’a prié de donner son avis sur... Éric Zemmour ! Le livre et les divers propos de ce polémiste ne le regardent pas, puisque Dolan n’est pas français, mais il a tenu quand même à répondre, refusant de nommer Zemmour, le désignant par un méprisant « ce type », et faisant mine de verser une larme, puisque ce journaliste très à droite est connu pour, notamment, son homophobie. On voit que Dolan n’a encore appris ni la politesse, ni la modération, ni le sens du ridicule. Je n’aime pas les idées de Zemmour, mais je ne l’insulte pas. Sur Canal Plus, Jean-Michel Aphatie, qui travaille dans la même radio que Zemmour, a dit aussi qu’il ne l’aimait pas, mais, bien élevé, il ne s’est pas cru obligé de le traîner dans la boue.
Où je veux en venir ? À ceci : les vrais grands artistes (ou les vrais grands savants, ou les vrais grands politiques) ne se prennent jamais pour des génies, ils restent modestes, n’injurient personne, parlent de ce qu’ils connaissent, et le font avec clarté, en mesurant leurs paroles. Avez-vous déjà entendu Brassens, ou Barbara, ou Brel, donner des leçons à tout le monde ? Visconti, Renoir, Carné, Hitchcock, Ophüls, Duvivier, Lang ont-ils jamais insulté qui que ce soit, ou seulement fait du tapage ? Dolan, lui, tel un camelot vendant des cravates sur les Grands Boulevards, est monté sur ses grands chevaux parce que je ne sais quel jury lui a décerné un prix dans la catégorie des cinéastes homosexuels, clamant qu’il ne voulait pas être catalogué et qu’il était bien plus que cela – ce qui reste à prouver. Mais qui, sur cinq films, en a fait quatre qui ne parlent que d’homosexualité, et où il a joué trois fois le personnage principal ?
(NB : son premier film, J’ai tué ma mère, qui a floué tout le monde, était un pur démarquage du premier long-métrage de François Truffaut, Les quatre cents coups – homosexualité en plus)