Lettre à Sa majesté – Sur sa favorite
Ben oui, c’est bien un monarque, puisqu’il attribue, à la femme qui partage[ait] sa vie, un rôle officiel. La Pompadour est de retour !
Je suggère donc que les Français mécontents et nostalgiques de la République adressent à Hollande une lettre qui pourrait être tournée ainsi :
Monsieur le président de la République,
Tout comme le pape se dit « serviteur des serviteurs de Dieu », je considère que vous êtes au service de ceux qui vous ont élu, et non l’inverse. En conséquence de quoi, moi qui ai voté pour vous (mais même dans le cas contraire, je serais en droit de le faire), je me permets de vous poser une question qu’aucun des courtisans qui vous entouraient lors de votre conférence presse n’a osée, puisqu’elle a trait au mythe dont je vais parler, importé de leurs chers États-Unis, et qui arrange bien la vente de leurs journaux.
La voici : allez-vous enfin mettre fin à cette fiction ridicule qu’est le concept de « première dame » ? De plus en plus de commentateurs font observer que ce concept n’a aucun fondement, que la « première dame » n’existe pas en France (et même pas aux États-Unis, contrairement à ce que tout le monde croit, car aucun texte ne la mentionne), et qu’Anne Sinclair, qui a failli l’être, s’est exprimée très clairement là-dessus sur Canal Plus (quarante-cinq secondes de bon sens, à voir et entendre ici).
Vous ne pouvez soutenir plus longtemps la fiction de la « vie privée », alors que madame Trierweiler dispose de bureaux au Palais présidentiel, que cinq collaborateurs, payés par les Français, sont à son service, qu’elle vous accompagne dans les voyages officiels, et qu’elle faisait office de maîtresse de maison le jour de votre installation dans ce lieu on ne peut plus officiel également. On ne peut non plus oublier qu’au cours de la campagne électorale pour les législatives, elle a émis un tweet en faveur du candidat socialiste qui se présentait à La Rochelle, tweet visant à faire battre son ancienne rivale Ségolène Royal – ce en quoi elle a réussi, même si on ne sait dans quelle mesure elle a contribué à cette défaite.
Je vous ferai remarquer qu’à l’étranger, la Chancelière allemande est mariée mais que son époux ne paraît pas en public officiellement et que nous ignorons largement son nom ; qu’au Maroc, le défunt roi Hassan II avait deux épouses légitimes, qui n’ont jamais paru en public ou à la télévision, et que la plupart des Marocains ignoraient jusqu’à leur nom. Et accessoirement, que les Français ne savaient même pas si le président Pompidou avait des enfants. Jamais on n’a qualifié de « première dame » mesdames De Gaulle et Pompidou...
Je conclurai en vous disant qu’il est odieux, pour les véritables républicains, de voir la République française se muer en monarchie qui n’ose pas dire son nom. Vous n’avez pas inauguré cette coutume, mais vous avez adopté la mauvaise habitude de votre prédécesseur. Vous étiez engagé sur le changement : où est-il ? Il est temps de revenir à une plus saine conception de la République et au respect strict de la Constitution : vous vous êtes aussi engagé à en être le garant. Ou alors, si nous sommes revenus au temps de la Pompadour, il est urgent de vous faire couronner, comme Louis-Napoléon Bonaparte.
Je voudrais pouvoir terminer en vous assurant de mes salutations respectueuses. Mais non, désolé, je ne peux pas. À la prochaine élection, je choisirai un autre candidat.
L’adresse est au 55 rue du Faubourg-Saint-Honoré, 75008 Paris. Pas la peine de coller un timbre, c’est gratuit, quand on écrit au président de la République.