Non, vous n’êtes pas « enchanté » !
Cet après-midi, j’ai vu un assez mauvais film, signé Frank Capra. Oui, je sais, écrire que Capra était l’auteur d’un mauvais film, c’est une sorte de blasphème, et nul n’oserait. Mais c’était son antépénultième, et cela conforte mon opinion que la plupart des grands réalisateurs de cinéma ont fini sur de mauvais films (voyez Kubrick, Chaplin, Fellini, Bergman, Renoir, Hitchcock, Visconti, Truffaut et quelques autres !). Mais la question n’est pas là.
Comme le film durait deux heures et que je m’ennuyais passablement, j’ai eu le temps de prendre conscience de ceci : je commence à être plus qu’agacé de cette manie des traducteurs de films étrangers qui, lorsque le film est en anglais, traduisent systématiquement « How do you do? » ou « Nice to meet you! » par « Enchanté ! » – or la chose se produit une bonne douzaine de fois dans le film que j’évoque. Je regrette, mais, quand on a été bien élevé, on ne dit pas « Enchanté ! » à un inconnu auquel on vous présente. C’est du dernier plouc. On peut se contenter de dire « Bonjour », ou de sortir le banal mais correct « Comment allez-vous ? », ou raffiner en souhaitant la bienvenue, à condition que l’inconnu arrive de quelque part ailleurs. Mais « Enchanté ! », non, c’est de l’exagération outrancière, de l’inflation verbale (comme de dire qu’est génial un sandwich pris au McDo), et je m’étonne qu’on s’obstine à l’employer encore. Si vous vous sentez enchanté de rencontrer un inconnu, c’est que vous êtes barge.
Dans le même ordre d’idée, on ne dit jamais « Bon appétit ! », et surtout pas « Bonne continuation ! », surtout sachant que la continuation est l’acte de, euh... continuer ce qui a été interrompu. Même à Sainte-Foy-la-Grande, on n’ose plus s’exprimer aussi bêtement.
Comment je sais tout cela ? C’est Nadine de Rothschild qui me l’a enseigné, au cours d’un week-end à Disneyland. Elle sait tout sur ces questions, Nadine. Normal, elle a été baronne, comme Annie Cordy.