« Œuvre » ?
Ils se sont tous donné le mot pour dire que cette horreur de plastique vert, posée sur la Place Vendôme à Paris, était « une œuvre ». Quelle bande de gogos panurgistes !
On pourra dire de moi autant de mal qu’on voudra, et même, ce qui est faux, que je suis de droite, mais je ne pense pas, et on ne me fera jamais avaler, qu’être artiste, c’est avoir une idée, puis la faire réaliser par d’autres, qu’on paye pour ça. En l’occurrence, en face du Ritz et du ministère de la Justice, on avait un gros ballon, affecté d’une forme bizarre et intentionnellement provocante, qui était loin d’embellir les lieux. Étonnez-vous que certains, qui ne sont pas tous d’extrême droite, réagissent mal...
Je regrette, mais, pour être un artiste, je vois deux conditions absolues : créer quelque chose de beau, et le fabriquer de ses mains.
Michel-Ange a passé quatre ans, allongé sur le dos, en haut d’un échafaudage, afin de peindre les merveilles de la Chapelle Sixtine, au Vatican. Lui était un artiste. À côté de cela, Jeff Koons, qui n’était qu’un courtier en matières premières à Wall Street, s’est un jour déclaré « vecteur privilégié de merchandising » (ce qu’autrefois on appelait « un camelot », en moins prétentieux et en bon français) et autoproclamé artiste ; il ne réalise rien lui-même et fait fabriquer ses « œuvres » par des assistants (jusqu’à cent !) ; a copieusement pollué naguère le site du château de Versailles avec des ballons en plastique ; et a vendu pour... 52 millions de dollars un ballon en forme de chien ! Je ne suis pas le seul à râler contre cet escroc, puisque Jérôme Clément, qui a été pendant cinq ans le président d’Arte, a dit du prix de ses réalisations qu’elles reflètent un système « où quelques gros marchands et collectionneurs [...] sont aujourd’hui ceux qui décident ce qui est de l’art et ce qui est beau dans l’art », et que, « aujourd’hui, c’est le pouvoir de l’argent qui décrète la beauté ».
Chez moi, l’argent ne décide rien, je juge ce que je vois et entends à l’aune de ma propre sensibilité, qui vaut bien celle d’un ex-courtier de Wall Street ayant posé nu en compagnie de la Cicciolina avant de l’épouser – gage évident de sérieux. Je ne suis pas en train de dire que la France est en pleine décadence, et je ne parlerai pas de suicide français, comme Zemmour. Simplement, personne ne nous oblige à être des jobards qui aiment tout. Parce que cela, c’est du syncrétisme (et du saint crétinisme).