« On ne va pas dire de noms, mais… »

Publié le par Yves-André Samère

Hier, 114 personnes ont lu ma notule sur le ministre pédophile auquel le vertueux Luc Ferry avait fait allusion sur Canal Plus, et 66 de mes visiteurs sont parvenus sur mon bloc-notes après une recherche googlienne sur l’expression ministre pédophile (l’un d’eux a même précisé de Mitterrand, bien sûr, ça ne pouvait pas être un ministre de droite) et quelques variantes. Il va falloir que je me reconvertisse dans le genre crade, si je veux avoir beaucoup de lecteurs… En attendant cette reconversion, j’ai autre chose à dire.

Ah les faux-culs ! Bravo, messieurs les « indignés » de la classe journalistico-politique. Votre vertueuse indignation de circonstance contre Luc Ferry et sa pseudo-dénonciation d’un ancien ministre pédophile, elle arrive bien tard. Voilà des années que ce travers m’irrite, et je crois même en avoir fait part ici une ou deux fois.

Mais de quoi s’agit-il ? De quel travers ? C’est très simple : deux types sont réunis autour d’un micro, un intervieweur et un interviewé. Ils peuvent être, d’ailleurs, plus de deux, et le micro peut être doublé par des caméras, peu importe. L’entretien se déroule, on commence à dévider quelques potins, puis à débiner les absents, et, peu à peu, la conversation devient crapoteuse. C’est alors que le meneur de jeu – ou son invité, mais c’est plus rare – lance la phrase de circonstance que vous et moi avons entendue dix mille fois : « On ne va pas dire de noms, mais… ». Fermez le ban.

« On ne va pas dire de noms, mais… ». Que veut-elle dire, en réalité, cette petite phrase ? Elle veut dire ceci : nous venons de proférer, sur le compte de quelqu’un évidemment absent, des saletés dont vous et moi avons connaissance, et saletés dont nous laissons entendre que l’auditeur (ou le téléspectateur) n’a pas connaissance, qu’il aimerait bien connaître lui aussi, ce saligaud, mais on ne va pas risquer des représailles, alors on n’en dit pas davantage.

Bilan : dénonciation calomnieuse mais sans risque, et lâcheté à tous les étages.

J’ai dit en commençant que ce travers durait depuis des années. En fait, cela dure depuis que j’écoute la radio. Et je suis au regret d’ajouter que, non seulement il est (ou a été) pratiqué par des gens que je méprise, Jean-Luc Hees, Philippe Val, Laurent Ruquier, mais aussi, hélas, qu’il l’a été par d’autres que j’estime, comme Claude Villers ou Pierre Bouteiller. Pratiquement, tous l’ont fait, mais ça n’a gêné personne.

Aujourd’hui, on l’espère, ils ont honte. On l’espère, mais on n’y croit pas.

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