Que vaut « la plupart » ?
Lorsqu’un lecteur dépose ici un commentaire pour me faire savoir que j’ai commis une faute, je ne fais pas la gueule : je corrige immédiatement. C’est la moindre des choses. Mieux, si le lecteur m’a appris un détail que j’ignorais, je remercie.
Mais il arrive que je ne corrige pas ! Non par irritation, dédain ou j’menfoutisme. Mais, tout simplement, parce que le lecteur s’est trompé ! Eh oui cela peut arriver : on déniche une faute là où il n’y en a pas...
Ainsi, récemment, parlant des Premiers ministres de la Cinquième République, j’avais écrit que « la plupart [...] ont été obligés de venir habiter à l’Hôtel Matignon ». Or, considérant que l’expression la plupart, à cause du la, a toutes les apparences d’un féminin singulier, un lecteur a remarqué que j’aurais dû écrire « la plupart A été obligéE », etc.
Cette remarque partait d’une bonne intention, mais ce lecteur s’est laissé piéger par lesdites apparences. Le nom plupart est en effet un nom collectif ; autrement dit, il recèle en réalité un pluriel – sauf dans un cas très précis, la deuxième partie de l’alinéa 1 ci-dessous. Et tous les sites consacrés à la langue française que j’ai consultés – et qui, soit dit en passant, sont généralement logés au Québec, puisque les Français de France se foutent bien de leur langue –, sont d’accord avec le Littré, qui dit ceci, et je reproduis in-té-gra-le-ment :
1. Si la plupart est construit avec un nom au pluriel, le verbe se met au pluriel : « La plupart des hommes font... ». S’il est construit avec un nom au singulier, le verbe se met au singulier : « La plupart du monde suit ses passions ; la plupart du peuple ordonna ; la plupart du sénat fut d’avis »
2. La plupart, pris absolument, veut le verbe au pluriel : « La plupart disent... ». Si un adjectif y est joint, cet adjectif se met au pluriel masculin : « La plupart emportés... ».
3. Si un adjectif suit le nom qui vient après la plupart, il s’accorde en genre et en nombre avec le nom : « J’ai la plupart de mes livres reliés en veau ».
Par conséquent, écrire que « la plupart des Premiers ministres ONT été obligÉS » de faire ceci ou cela est parfaitement correct.