Qui dort dîne, vraiment ?
Quand j’étais enfant, j’avais (déjà) l’esprit de contradiction. De sorte que les idées reçues, voire les bons vieux dictons, me tapaient sur les nerfs. Et, histoire de faire bisquer mon entourage, je m’efforçais de démontrer que tout cela, ce n’étaient que coquecigrues et billevesées.
Il y a un dicton qui me faisait hurler de rire, c’était l’envahissant « Qui dort dîne ». Je soutenais qu’il avait été forgé par des parents voulant faire des économies sur le dos de leurs enfants, un peu comme ceux du Petit Poucet, qui a certainement existé. Quiconque s’est couché le ventre vide sait bien que le fait d’aller se coucher sans avoir pris son repas du soir empêche justement de s’endormir !
Mais alors, d’où vient cette somptueuse idiotie ? Apparemment, de la mauvaise interprétation d’une vieille règle datant du dix-septième siècle. À cette époque, lorsque vous désiriez louer pour la nuit une chambre dans une auberge, le tenancier vous obligeait à dîner sur place. Et donc, cela signifiait que quiconque voulait dormir dans son auberge devait obligatoirement y prendre son repas : qui veut dormir doit dîner sur place !
Cette règle est devenue en France tout à fait illégale. Je me souviens d’un patron d’hôtel qui avait voulu m’obliger à manger dans son boui-boui où je ne voulais que passer la nuit. Renseignements pris auprès de la préfecture, il n’en avait pas le droit, et j’ai su qu’il avait ultérieurement reçu la visite d’un inspecteur de la Direction de la Consommation : apparemment, je n’avais pas été le seul à subir son petit chantage.